lundi 23 juin 2014

L'histoire du foot pour ceux qui veulent se la péter (2/4)


Vous en avez marre. Okay, vous êtes le profil type du sportif de divan, bière à la main et jogging craspeck sur le cul. Mais vous en avez marre que votre femme vous fasse la gueule à chaque fois que vous voulez vous regarder un bon match, et que tout le monde autour de vous vous considère comme un gros beauf inculte. Déjà, vous n’êtes pas si gros. Et bientôt, grâce à moi, vous ne serez plus si inculte. Et il fera moins le malin, votre pote qui la ramène toujours parce qu’il aurait pu être prof d’histoire s’il avait terminé son master, quand vous lui montrerez que vous en savez plus que lui sur les origines du foot. Ah ! Comme quoi, on peut aussi se cultiver entre deux bières, pendant les arrêts de jeu… 


Ils nous font marrer, ceux qui nous racontent que le football a été inventé par les Anglais au dix-neuvième siècle. Maintenant, vous pouvez leur répondre avec un petit ton de mépris que les Chinois et les Mayas savaient déjà faire plein de trucs sympas avec un ballon plusieurs milliers d’années avant eux (et toc !). Évidemment, vous oubliez de préciser que c’est moi qui vous l’ai appris, mais je ne vous en veux pas, allez. Bon. On s’était arrêtés à l’Antiquité grecque et romaine. Prenez vos crayons, on embarque pour la Gaule celtique. Non, Jean-Zlatan, je n’ai pas dit « goal », mais « Gaule ».

II. – Des druides, des gnons et de la soule

Nous voilà donc en pleine Bretagne. Mettez un K-Way. Si je vous parle des druides, vous avez tout de suite en tête Panoramix ou le Merlin de Kaamelott. Des types rigolos avec des barbes jusqu’aux arpions. Je pourrais vous dire que les druides n’étaient absolument pas des rigolos, qu’ils étaient les gardiens du Savoir, des personnages sacrés, très instruits, premiers intermédiaires entre les dieux et les hommes. Oui, c’est vrai, mais ça ne les empêchait pas de jouer au ballon. Et de le faire, en plus, dans des cérémonies religieuses. « La multiplication des pénos », très drôle, François-Karim ! Sauf que je ne sais pas si le penalty existait déjà à l’époque. Le jeu pratiqué par nos amis les druides s’appelait le seault, ce qui en celtique veut dire « soleil ». On peut donc supposer que la balle qu’ils se disputaient représentait le soleil. On n’en sait pas beaucoup plus, personne n’ayant jugé bon, semble-t-il, de graver les règles du jeu sur un bout de tablette. Un manque de professionnalisme que Michel Platini aurait certainement réprouvé.

Les années passent, l’Empire romain se prend un carton rouge, l’Antiquité se fait pousser des châteaux forts et se transforme en Moyen Âge. Le seault celtique est devenu la soule, et sa pratique s’est étendue à la Normandie, la Picardie, un peu tout le nord de la France. La France de l’époque, qui est beaucoup plus compliquée que la nôtre, attention ! Le découpage des régions par François Hollande, c’est rien à côté !

Donc, nous sommes au XIIe siècle, et on joue à la soule. Que l’on appelle aussi « choule », ou « chole » – enfin vous voyez, c’est un beau bordel. Oui, Zinedine-Lionel, tout à fait : « Scholl », comme les chaussures. D’ailleurs les historiens s’arrachent les cheveux pour savoir si le mot « soule » est dérivé de « seault », ou s’il veut dire « sandales ».

La soule se joue lors des fêtes religieuses et durant la période de carnaval. Deux équipes s’affrontent avec une boule de bois ou une vessie remplie de son, et elles ont pour terrain de jeu les limites d’un quartier, d’une paroisse, voire d’un village, le but du jeu étant d’envoyer la balle se noyer dans une mare. Tous les hommes valides du village étaient conviés à y participer, et les échanges étaient franchement virils. Non, mais vraiment. Le coup de boule de Zizou, c’est une pichenette, en comparaison.

Le jeu a perduré à travers les années, malgré de nombreuses interdictions, et on peut encore assister en Normandie à des compétitions de choule et de choule crosse (la même chose, mais avec une crosse) – sur un terrain limité et avec un marquage au sol en guise de mare. Et des règles plus strictes, même si on peut encore s’empoigner gaillardement et se marronner un peu la gueule en bons camarades.

En Irlande et en Cornouailles, toujours au Moyen Âge, on pratique un jeu de balle qui ressemble fort à la soule du Nord de la France, que l’on appelle hurling et qui peut se jouer aux poings, aux pieds ou à l’aide d’une batte. En Italie, le calcio, dérivé de l’harpastum, ressemble aussi beaucoup à la soule par son aspect de grand n’importe quoi et de bagarre organisée. Ancêtres du football tout autant que du rugby, ces sports laissaient souvent pas mal de blessés au sol. Mais comme disaient souvent les joueurs, après la partie : « L’effenfiel, f’est de partifiper. »

En 1314, le maire de Londres, Nicholas de Farndone édite un décret, rédigé en français, au nom du roi Edward II, visant à interdire les jeux de balle, sous peine d’emprisonnement. L’édit commence ainsi : « En raison des grands désordres causés dans la cité par des rageries, de grosses pelotes de pee… » Cette partie de la phrase, traduite en anglais, devient : « Forasmuch as there is great noise in the city caused by hustling over large foot balls… »

Le mot est lâché.


Raphaël Juldé



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