samedi 12 juillet 2014

Mi-temps Brésil/Pays-Bas

Djamel Haimoudi, l’arbitre algérien, vient de siffler la mi-temps. Nous sommes samedi, il est plus de 22h45. Le 21 juin dernier, un samedi itou, vous étiez devant Allemagne-Ghana et vous n’en avez gardé aucun souvenir. Le 28 juin dernier, un samedi encore, vous assistiez à un certain Colombie-Uruguay mais cela vous semble déjà si loin. Quel score déjà ? Le 5 juillet dernier, un samedi enfin, c’était un Pays-Bas contre le Costa-Rica et vous ne vous rappelez que du coup de bluff génial du sélectionneur néerlandais Van Gaal avec l’entrée, à la séance des tirs aux buts, de Krul : le goal magique et intimidant.

Ce coup de sifflet est presque symbolique : vous aussi allez bientôt devoir quitter votre canapé, reprendre votre vie d’avant la Coupe du monde, discuter à nouveau avec des individus, retrouver votre femme et vos enfants qui vous attendent sagement à la maison, morts d’inquiétude. Et vous allez devoir rendre le badge de cet hôtel miteux dans lequel vous vivez depuis le début de la compétition. Pour un peu, vous auriez souhaité que ce Mondial dure un mois de plus.

Oui, l’arbitre a sifflé la mi-temps : quart d’heure suspendu pendant lequel vous allez pouvoir : 

  • Chercher un boulot, 
  • Manger des légumes,
  • Tremper vos lèvres dans autre chose que de la bière, histoire de vous accoutumer à votre ancienne vie,
  • Calculer combien vont vous coûter ces nuits à l’hôtel (et préparer un argumentaire auprès du propriétaire pour obtenir un paiement en plusieurs fois avec un rabais d’au mois 30%),
  • Appeler vos proches pour les rassurer (vous avez vu ces photos de vous au journal télévisé et vous savez très bien que vous n’avez pas fugué, et que vous n’avez surtout pas disparu).
Aussi, toute l’équipe de Fifa Papa, soucieuse de votre réinsertion, vous propose une sélection d’obédience brésilienne ; entre bossa nova, samba et excursions électroniques. A l’issue de ce programme revigorant, vous serez fin prêt pour attaquer cette deuxième partie de la finale des perdants.



Brésil vs Pays-Bas : les hymnes et la compote des équipes

Double ration avec Afterfives, ce soir. Tout d'abord, l'inoubliable séquence des hymnes à la noix : main sur le coeur, regard porté vers l'horizon.

Puis, la compote des équipes : litanie sportive où chaque joueur des deux équipes en présence est salué respectueusement. 







Brésil vs Pays-Bas



C’est la finale des losers qui se tient, ce soir, au stade de Brasilia ! On ne sait pas vraiment à quoi ça sert ni pourquoi on devrait la regarder mais on se dit que pour une dernière fois, on va voir jouer les Brésiliens à domicile, devant leurs gosses effondrés, leurs supporters outrés, leurs femmes humiliées. Eux-même auront-ils encore des larmes à faire rouler après la tôle monumentale de mardi dernier ? 

La finale des coiffeurs
Luiz Felipe Scolari, le sélectionneur brésilien, dans les vestiaires, cherche ses mots : « Les mecs, ceux qui vont entrer sur le terrain, ce soir, vont devoir être costauds… A domicile, certes, mais pas franchement les bienvenus… Terrain hostile... En ce moment, comme qui dirait, on la joue profil bas… Pas la peine de crâner avec Jésus et compagnie... On va peut-être pas hurler l’hymne, hein  ! Je sais que certains ont le moral dans les chaussettes et les protège-tibias en miettes… Voire le dos en compote... Mais ressaisissez-vous ! Vous lisez sans doute, dans la presse, que ce match contre les Néerlandais c’est la finale des coiffeurs ! Et peut-être que c’est le cas… Neymar serait heureux car il voudrait essayer une nouvelle coupe pour la rentrée… Mais moi, ce soir, je pense à mes petits gars, oui vous, regroupés sur le banc de touche depuis 4 semaines, chauds comme un brasero, avec des fourmis dans les cannes, et qui voulez tâter de la baballe comme les grands. C’est le moment ou jamais de vous libérer, de nous offrir du football-Champagne pas trop tiède, de sortir les petits fours et de finir sur un rythme de Batucada. Au placard les pleurnicheuses : sortons d’ici dignement ! Non, on ne rentre pas encore à la maison : faut saluer pépé Toquinho, dire le bonjour au vieil oncle en pleine cambrousse, prendre des nouvelles d’une cousine éloignée… Non, on ne plie pas encore les gaules mais on essaie de faire plier la défense, bordel ! Les gars, si vous le faites pas pour vous, ni pour le public, faites-le pour moi ! C’est peut-être bien la dernière fois qu’on se voit… Merde, j’en chialerais… ».

La samba de la mort
Dans les vestiaires néerlandais, Louis Van Gaal essaie, lui, d’obtenir le silence auprès de ses joueurs surexcités. « Okay, les loulous, je sais que vous avez envie d’aller vous farcir du Brésilien, mais écoutez-moi un peu. Van Persie, tu la fermes cinq minutes, c’est par là qu’ça s’passe. Bon. Faut pas croire que ça va être du tout cuit, mes biquets, les doigts dans le nez et les crampons dans la dentelle ! Vous allez vous retrouver face à une équipe qui a pris très, très cher, les mecs ! Gardez bien ça en tête : ils invitent des copains à une surpatte chez eux, ils ont fait les choses en grand, et voilà que des malotrus chient dans la vaisselle, se mouchent dans les nappes brodées et s’amusent à peloter leurs gonzesses ! Forcément, ils ont pas envie que ça recommence ! Une fois, mais pas deux ! Ils ont bien vu comment vous avez traité l’Espagne au début de la compèt’. Ça les a bien fait rigoler, jusqu’à ce qu’ils se fracassent contre la ligne Siegfried ! Du coup, les gars, ils sont prévenus : ils savent que vous avez l’intention de les faire danser. Seulement, c’est eux les rois de la samba, et avant de s’en aller, vous pouvez être sûr qu’ils auront envie de se battre jusqu’au bout, pour l’honneur ! Crever, oui, mais pas tous seuls : ça va être ça leur credo ce soir ! Il va peut-être y avoir du sang, les gars ! Des larmes aussi ! Soyez prêts ! »

Dj Zukry & Raphaël Juldé

Glorieuse défaite

Notre héros
Lorsque Gino est contacté, le 12 mai dernier, par la Fédération de Saint-Marin de Football, il pense immédiatement et légitimement à une sale blague de Jicé, le défenseur borgne et redoutable de l’AS Louverné ; club que Gino dirige depuis 1987. « Arrête tes conneries, Jicé, tu sais bien que ma chienne est en phase terminale. Crois bien que j’ai pas le coeur à la déconne ». Au bout de quelques minutes de silence, Gino, qui n’est pas la moitié d’un abruti, comprend tout de suite que de l’autre coté du téléphone c’est pas du chiqué ! Et l'accent italien ne trompe guère... « Mais Monsieur Gino, je vous assure que je suis bien le directeur technique de l’équipe nationale saint-marinaise. Notre proposition est tout à fait sérieuse. Je vous recontacte demain ». 

Le fils du héros
Le cerveau en ébullition, Gino convoque derechef son gosse dans le bureau. « Viens là, trouduc, papa doit te causer ». L’adolescent, forcément à moitié endormi (je vous jure, les marmots, faut vraiment en vouloir pour se les coltiner !) s’installe dans le fauteuil en cuir, la gueule enfarinée : « Koi keski ya ? » qu’il marmonne à travers son sébum mal soigné. « Je t’ai déjà dit de causer plus fort : j’entends haut » qu’il lui répond Gino, jamais à court d’expressions à la con. « Fiston, on va causer… Entre hommes... Les couilles sur la table construite par pépé Luigi… Ton père doit prendre une décision… Grave... Importante... Vitale... Et toi, t’as 24 heures pour me boucler ce dossier… Du lourd... Ecoute bien : je veux tout connaître sur Saint-Marin ! Tout de A à B ! ». « Où ça de quoi ? », qu’il lui souffle mollement avec son haleine de Coca, l’autre empaffé ! Je vous épargne les détails : demander un service à un pubère provoque un vieillissement instantané d’au moins deux ans (ainsi que des soucis cardio-vasculaires). 

Le lendemain matin, branle-bas de combat ! Dès le petit-déj’, deux croissants dans le cornet, Gino attaque : « Alors, mon grand, tu m’as trouvé des renseignements sur Vickypédia comme que je t’avais demandé ? ». « Wikipédia, papa… Wikipédia »… Le mioche soupire, joue l'intello anglophone alors qu’il sait même pas prononcer correctement Game Of Thrones… Ce que son daron résume par un efficace « Ta gueule et raconte ».


Description de Saint-Marin à Gino par Trouduc, 16 ans : 
Saint-Marin, en forme longue la République de Saint-Marin, en italien San Marino et Repubblica di San Marino, est le troisième plus petit État d’Europe, après le Vatican et Monaco, et le cinquième au monde, après ces deux mêmes États, Nauru et Tuvalu. C’est aussi la doyenne des républiques. 
Enclavé à l’intérieur de l’Italie entre l’Émilie-Romagne et les Marches, Saint-Marin compte, au 31 décembre 2012, 32 471 habitants, dont 5 002 étrangers. Il y a 6 695 Saint-Marinais résidant à l’étranger. La République fait partie intégrante de la région historique du Montefeltro.

Propos énoncés par Gino pendant la lecture de son fils : 
Va plus vite. Accélère. Putain il se croit au guide du routard cette andouille. Trop long. Mal dit. Trop de chiffres. C’est tout ?
Oui, c’est tout ce que Trouduc a trouvé. Evidemment, rien de satisfaisant pour Gino. Il doit passer à la vitesse supérieure et pratiquer ce qu’il déteste (mais que sa femme a lu dans des bouquins à la mords-moi-le-noeud) : la pédagogie.

Monologue pédagogique de Gino (dont vous pouvez vous inspirer si vous êtes parents ) :
« Vois-tu, mon cher rejeton, fruit de ma chair, chair de mes nouilles, ton père, ici présent assis en face de toi avec son bol sur lequel il est écrit Papa pour bien que tu comprennes c'est qui le chef, a reçu un appel des hautes instances nationales du football pour devenir sélectionneur de l’équipe de Saint-Marin. Et ton père, ici présent toujours assis en face de toi qui mange une biscotte mal beurrée, hésite à répondre positivement, par oui, à l'affirmative, à cette requête par les huiles de Saint-Marin exprimée. Or, donc, ton père, là tel que tu le vois, bien en chair et en os, a besoin d’éléments concrets, de preuves tangibles, d’informations exploitables pour prendre en considération tous les paramètres tant géographiques que sportifs que pécuniaires que le reste. Et toi, mon image de moi en plus jeune en moins gros mais en plus moche pour l'instant, j’implore ta compétence sur Vickypédia pour que papa il prenne une décision qui, si elle est pas bonne, pourrait plonger la famille au bord du gouffre et du marasme, et je t'en passe des pires... Le tout sans en causer une miette à ta mère sinon tu prends celle-là dans la gueule… Capisci ? Repos ! ». 
La chambre du fils de notre héros

Trouduc s’enferme alors dans sa chambre, le son du rap à fond les ballons. Malgré le vacarme, on l’entend taper sur le clavier, pousser des soupirs, cliquer sur la souris. « Me dis pas qu’il se tape une queue devant un porno ! » pense à haute voix son géniteur, presque fier. A 17H00, le gamin sort de sa piaule. En transpiration des pieds à la tête. Blême. Et démarre son résumé de la situation :

« Papa, tu vas entraîner la pire équipe au monde. 207ème place. Lanterne rouge. Rouge vif. Info issue de la dernière mise à jour du classement FIFA. Des brêles. Des chèvres. Des nullards. Des billes. Plus mauvais que le Bhoutan. Pire que Djibouti. La honte du football international. Le ballon se dégonfle quand il arrive au pied d'un joueur de Saint-Marin. Même plus la force. 13 pions à 0 contre l’Allemagne : une humiliation. La première guerre mondiale, à côté, c’est une vaste plaisanterie. Le joueur le plus jeune a 43 ans. Le plus vieux pourrait s'inscrire au cécifoot. La dernière victoire, c’était un piteux 1-0 contre le Liechtenstein il y a 10 ans tout rond. Le Liechtenstein, papa ! Depuis, rien. Les mecs s’entraînent avec des ballons en mousse sur une moitié de terrain. L’autre moitié c’est pour le club de tennis. Ils ont un crampon par joueur. Et un short pour deux. Pas facile pour courir. L’entraînement c’est le mardi matin : de 10H00 à 11H00. Sinon c’est l’école d’à côté qui utilise le terrain. Pour danser. En plus des tennismen. Qui eux ne dansent pas. Heureusement. L’ancien sélectionneur, Gianpaolo Mazza, à la tête de cette sélection pendant 15 ans, a préféré retourner cuire des pizzas ».


Gianpaolo et sa spécialité

Gino s’enfonce alors profondément dans son fauteuil, ôte ses lunettes, lève les yeux au ciel puis embrasse la photo de son père, du Christ et de la coupe Gambardella remportée en 2011, et convoque maman, la frangine, la grand-mère et les voisins : 

« Voilà. Je vous ai convié en ce lieu qu’est mon bureau car je viens de prendre une grande décision. Et je trouve que ça fait plus officiel ici que dans la cuisine. Et ça sent moins le graillon. Asseyez-vous ! Sauf toi, glandu, laisse mémé prendre cette chaise ! Voilà... Bien, dès la semaine prochaine, je vais devenir le sélectionneur de la pire équipe du monde et je veux que tous, ici, en soyez fiers. Quand j’ai repris l’entreprise de maçonnerie de pépé Luigi, tout le monde ricanait et aujourd’hui je suis l’artisan le plus côté de la région Pays de Loire.  Même Jean-Charles Ayrault, l'autre grand con communiste, il a fait appel à mes services pour sa résidence secondaire. Alors, écoutez bien ce que je vous annonce solennellement sans tambour ni les trompettes : dans quatre ans, vous me verrez dans Téléfoot et peut-être même dans Stade 2 avec le trophée de la Coupe du monde entre les mains. Oui, rien que ça ! Ceux qui me connaissent savent que je ne plaisante pas. Voilà... Je vous aime tous bien fort. La Serenissima vaincra ! Repos ! ».

Dj Zukry

vendredi 11 juillet 2014

Rio à l'ombre : Carlos, gonfleur de ballons


Un peu de couleur locale avec Carlos : jeune homme issu des quartiers défavorisés, il a franchi les échelons petit à petit jusqu'à être, à ce jour, chef d'escadron des gonfleurs de ballons de cette Coupe du Monde. 

Je me moque gentiment de ses joues que je trouve protubérantes. Lien avec son métier ? Carlos se marre. Il est sympa. Il se marre toujours. Bon. L'instinct du journaliste, bien que partiellement flétri par mon taux d'alcoolémie, revient à la surface. Sans vouloir lui mettre la pression, je le mitraille de questions d’ordre technique : quels sont les appareils utilisés pour gonfler les ballons, quel est son poids avant et après le match (au ballon), quelle est exactement sa circonférence (au ballon), et si la pression de ce ballon est exprimé en bars, alors puis-je prendre un ballon de rouge au bar ? Cette dernière question étant du domaine de la pure fantaisie, mon interprète tente de transcrire cet épatant jeu de mots en portugais mais le charme de l’instantanéité disparaît et Carlos, dépité, me rend un regard qui en dit long. 

Qu’à cela ne tienne, Carlos, d’un débit que je juge un peu trop scolaire, me récite bien sa leçon : le gamin en connaît un rayon. Pendant qu’il m’explique qu’un ballon se compose de 12 pentagones et 20 hexagones, je cherche un moyen de changer de sujet. J’aimerais en effet évoquer avec lui la situation sociale, économique, stratégique, militaire et politique du pays (j’ai reçu de nombreux mails d’observateurs de ce blog qui critiquent ma distance et mon peu d’implication au vu du contexte dans lequel s’inscrit ce mondial. Je n’ai d’ailleurs pas souhaité y répondre et je me disais donc que cet entretien avec  cet autochtone serait l’occasion de démontrer ma capacité à m’indigner... J'avoue qu'un succès d'outre-tombe à la Stéphane Hessel me ferait particulièrement plaisir). 

Malgré les nombreuses perches que je lui tends avec insistance, Carlos commence à me gonfler avec son putain d’icosaèdre tronqué. Son traducteur s’est endormi. Insidieusement, je plonge également dans un profond sommeil duquel me sort un camarade de Fifa Papa qui vient se servir dans le mini-bar (à ce sujet, je fais appel à ma famille et à mes amis de France : pouvez-vous me transférer, via PayPal, la somme de 5 000 € dans les meilleurs délais afin de payer une partie de nos dettes, et terminer cette compétition dans la décence, SVP ?).

Dj Zukry

jeudi 10 juillet 2014

Rio à l'ombre : Christian, jardinier


« Une belle pelouse, c’est déjà presque un match gagné », aime répéter Christian, philosophe à la main verte, sans préciser pourtant quelle équipe remportera la victoire. Après tout, il y a toujours deux clubs pour se partager une même surface de gazon ! Une question que notre jardinier des stades balaie d’un revers de la main : « La terre est à tout le monde ! ».

C’est qu’il l’aime, son gazon, Christian. Et il est toujours affligé de voir le triste état des terrains de Ligue 1, sans parler de ceux des niveaux inférieurs. Bien sûr, il sait que les petits clubs manquent de moyens pour l’entretien de leurs pelouses, mais la Ligue 1, tout de même ! « Un terrain pourri, c’est un match perdu d’avance », grommelle-t-il, fataliste, en étudiant d’un œil averti la repousse de l’herbe du Maracana.

Christian a parcouru sur sa tondeuse des kilomètres de terrains de foot, depuis ceux des clubs de CFA et de Division d’Honneur jusqu’aux grands stades internationaux. En s'envolant pour le Brésil, c'est un peu un rêve de gosse qu'il a réalisé. Une autre façon d’appréhender le monde du ballon rond. « Croyez-moi, explique-t-il, on reconnaît les joueurs qui ont commencé leur carrière sur des terrains bosselés, crevassés, impraticables… Il leur reste toujours quelque chose de cette époque-là, une foulée plus lourde, une manière plus sèche de frapper le ballon, comme s’ils craignaient que sa mollesse les trahisse… » Il arrache consciencieusement une touffe d’herbe qui a échappé aux lames de la tondeuse et ajoute, l’œil dans le vague : « On ne se sort jamais vraiment indemne d’une telle expérience. »

Est-ce que ça ne lui fait pas mal, alors, de voir ses belles pelouses saccagées par le passage de vingt-deux joueurs acharnés montés sur crampons ? « Vous savez, dit-il, ça fait partie du métier : je tonds la pelouse, ils courent dessus, et je repasse derrière eux. » Bien sûr, il y a des moments où son cœur se serre. Un Zlatan, par exemple, n’est pas seulement dangereux pour les tibias de ses adversaires : c’est aussi un cauchemar pour le plus stoïque des jardiniers. S’il était arbitre, Christian lui brandirait bien un carton jaune pour son manque de respect caractérisé envers le gazon. « Mais, lance-t-il dans un grand éclat de rire, si j’étais arbitre, je ne serais pas jardinier ! ».

Raphaël Juldé

L'histoire du foot pour ceux qui veulent se la péter (4/4)



Vous en avez marre. Okay, vous êtes le profil type du sportif de divan, bière à la main et jogging craspeck sur le cul. Mais vous en avez marre que votre femme vous fasse la gueule à chaque fois que vous voulez vous regarder un bon match, et que tout le monde autour de vous vous considère comme un gros beauf inculte. Déjà, vous n’êtes pas si gros. Et bientôt, grâce à moi, vous ne serez plus si inculte. Et il fera moins le malin, votre pote qui la ramène toujours parce qu’il aurait pu être prof d’histoire s’il avait terminé son master, quand vous lui montrerez que vous en savez plus que lui sur les origines du foot. Ah ! Comme quoi, on peut aussi se cultiver entre deux bières, pendant les arrêts de jeu…

Ça y est, on est arrivé au moment où l’Angleterre s’est enfin décidée à écrire les règles du football. Ça n’empêche pas les étudiants de Rugby de continuer à pratiquer ce sport à leur façon, avec les mains et en se bousculant comme des sales gosses. Il y a deux écoles, comme on dit. Il y en a même tout un tas, mais enfin, les règles de Cambridge de 1848, révisée par le Sheffield FC en 1858, commencent à s’imposer. Là-dessus, les Écossais ont appris aux Anglais à faire des passes, ce qui peut s’avérer utile, tout compte fait. Et le foot commence à vraiment ressembler à du foot.

IV. – D’abord l’Angleterre, ensuite le monde

Après qu’Ebenezer Cobb Morley a fondé la Football Association en 1863, toute la Grande-Bretagne décide d’en faire autant. L’Écosse ouvre sa propre fédération en 1873, le Pays de Galles en 1876 et l’Irlande en 1880. Les championnats entre les clubs du Nord de l’Angleterre laissent place aux rencontres internationales, et avec leur technique révolutionnaire (le passing plutôt que le dribbling, c’est bête mais il fallait y penser), les Écossais dominent nettement leurs voisins. En 1882, les quatre fédérations britanniques créent l’International Football Association Board afin de définir des règles de jeu communes à tous les pays. Quitte à se faire un match, autant tous pratiquer le même sport…

L’Angleterre est donc le premier foyer de la contamination, le « patient zéro », mais l’épidémie s’étend rapidement à travers l’Europe et l’Amérique. Vous avez déjà vu des films de zombie, vous savez comment ça se passe. Dans le football, pas besoin de se mordre (et ne comptez pas sur moi pour faire une blague sur Luis Suarez, il est temps de passer à autre chose), c’est par la classe ouvrière que le virus se transmet. Les ouvriers britanniques envoyés sur des chantiers à l’étranger font partager leur passion à leurs collègues, et voilà comment dès les années 1870, l’Argentine ou l’Uruguay se mettent à courir en masse derrière un ballon. Pour les pays du Nord de l’Europe, Danemark, Pays-Bas, Belgique, France, c’est plutôt dans les universités ou par le biais des voyages que le football s’importe le mieux. Aux Jeux Olympiques de Paris en 1900, trois équipes de football sont inscrites. Et c’est encore à Paris, quatre ans plus tard, qu’est créée une fédération internationale : la FIFA, papa.

Le football, « sport des Anglais », est d’abord mal accueilli en Allemagne, même si Hambourg  se dote d’un club dès 1887. D’ailleurs les Boches finiront par s’y mettre carrément, eux aussi, et par se montrer redoutables sur un terrain. Ce ne sont pas les Brésiliens qui vous diront le contraire. En Angleterre, les compétitions de la FA Cup et de la League (clubs professionnels du Nord) se poursuivent tandis que le football commence petit à petit à se faire connaître un peu partout dans le monde.

V. – Des obus, des balles et des ballons

En août 1914, la guerre éclate au moment même où s’ouvre la saison de football en Angleterre. Pas de bol. Pour le moral des troupes, les autorités sportives décident de poursuivre le championnat. Mais il y a un hic : difficile d’admettre que les footballeurs professionnels persistent à s’entraîner sur le terrain de sport alors que tous les hommes valides du pays se font tacler à coups de schrapnel sur le champ de bataille ! Le Frankfurter Zeitung se moque des Tommies : « Les jeunes Britanniques préfèrent exercer leurs longs membres sur un terrain de football plutôt que de les exposer au moindre risque au service de leur pays. » À la fin de la saison 1914-1915, la FA Cup et la League décident donc de suspendre la compétition jusqu’à nouvel ordre.

Pour encourager le volontariat, l’armée britannique incite les recrues qui se connaissent à s’engager ensemble dans la même unité : ce qu’on appellera les Pals Battalions (bataillons de copains). On retrouve ainsi dans certains régiments des orchestres entiers, des équipes de football ou de cricket. C’est le cas du football club de Clapton Orient, qui rejoint le 17th Battalion, dit « bataillon des footballeurs ». Le 1er juillet 1916, premier jour de la bataille de la Somme, le capitaine Billie Nevill, de la B Company du 8th Surrey Regiment, distribue quatre ballons à ses hommes en leur demandant de les tirer le plus loin possible en direction des tranchées allemandes au moment de l’assaut. On s’amuse comme on peut. Après la boucherie, deux ballons seront retrouvés dans les lignes ennemies. Pas mal pour une première Coupe du Monde… Cette journée est la plus meurtrière de l’histoire de la Grande-Bretagne, mais ils ont quand même marqué deux buts ! Et surtout, les Français qui pour la plupart, ouvriers ou paysans, ignoraient encore ce sport, vont se mettre eux aussi à le pratiquer entre deux batailles, dans les tranchées. Ce qui amènera, en avril 1919, la fondation de la Fédération française de football. Et l’année d’après, celle de la Coupe de France, créée en l’honneur du sportif Charles Simon, soldat du 205e R.I. mort au combat près de Neuville-Saint-Vaast.
Clapton Orient FC, 17th Battalion

Après la guerre, retour aux choses sérieuses. C’est en France, cette fois, qu’on prend l’affaire en mains. En 1921, Jules Rimet prend la présidence de la FIFA, et voilà qu’il lui vient l’idée d’organiser un grand tournoi international. De football, évidemment, pas de danse classique. Le tournoi olympique, c’est déjà pas mal, mais ça ne concerne que le football amateur. Rimet voit les choses en grand, il s’imagine même que le foot a le pouvoir de pacifier les peuples, et c’est en 1930 qu’a lieu la toute première Coupe du Monde.

Comme l’Europe de l’après-guerre se voit mal organiser une compétition d’une telle ampleur (alors qu’elle n’a aucune difficulté à organiser un conflit mondial de quatre ans, c’est marrant), c’est finalement en Uruguay, autant dire à Pétaouchnock, que le championnat aura lieu. Ça tombe bien : l’Uruguay fête justement le centenaire de son indépendance cette année là. Treize équipes sont en compétition, et le premier but de l’Histoire en Coupe du Monde, est marqué par le Français Lucien Laurent, contre le Chili. Cocorico, hein, entre nous… Et pour ce qui est de la finale, l’Uruguay a battu l’Argentine 4-2. Après ça, ma foi, je vais pas vous refaire tout l’historique de la Coupe du Monde : vous trouverez ça n’importe où.

Bon, eh bien voilà, en gros. Dans les grandes lignes, hein. Maintenant, cette Coupe du Monde là va se terminer aussi (par une victoire écrasante de l'Allemagne sur l'Argentine), et on devrait être à peu près tranquilles pendant quatre ans. Je vous remercie de votre attention.

Raphaël Juldé

mercredi 9 juillet 2014

Pays-Bas vs Argentine : la compote des équipes

Afterfives, abreuvé de patriotisme, saturé d'hymnes à la noix, balance la compote des équipes : une manière élégante de saluer tous les joueurs, qu'ils soient sur le banc ou sur le terrain...




Pays-Bas vs Argentine



Prise dans sa pure dimension de spectacle à audience planétaire, notre demi-finale Argentine-Pays-Bas a quand même une foutue pression. L’enjeu : ne pas sembler foncièrement risible à côté des Jeux du cirque de la veille, cette exhibition quasi-pornographique, ce combo « german gang-bang bukkake on young brazillians » qui fit rouler les yeux comme des ballons et nous balança entre malaise trouble et pulsions scopiques, au point d’équilibre ultime entre la gêne et le plaisir. Ne pas être réduite à vivre continuellement dans l’ombre dévorante du match précédent, inscrite dès la mi-temps sur les tablettes des livres d’histoires, des rapports statistiques, mais aussi des journaux intimes, car on s’en souviendrait encore dans 20 ans comme d’une sorte de 11 Septembre du foot, qui dépassa en direct le seuil critique d’incrédulité du spectateur pour taper une incruste définitive dans les emplois du temps et les mémoires individuelles. Du genre « han ouais, Brésil-Allemagne, je me souviens encore que j’avais vu le match avec Michel et que j’avais mangé une pizza aux anchois».

Arjen Robben a bénéficié d'un entraînement spécifique
pour obtenir plus de pénaltys.
Donc, pendant qu’un Panzer marchait sur l’eau et qu’un Christ rédempteur buvait la tasse à sept reprises, finissant par agoniser la bave aux lèvres dans une dernière prière, notre demi-finale Argentine-Pays-Bas, elle, se rongeait les ongles, un peu plus cernée par l’angoisse à chaque percée teutonne de la Ligne Maginhõ. Que faudrait-il donc faire le lendemain pour tirer le peu de couverture restante à soi, braquer le dernier projecteur dispo sur sa gueule et tenter d’annuler l’impact d’une exécution en Mondovision ? Faire oublier l’image déchirante de ces niños en pleurs dès la 25ème minute, découvrant enfin l’imposture auriverde ? Eclipser le record de buts de Klose, volé sans vergogne à Ronaldo dans son propre pays, sous ses propres yeux bouffis ? Et comment finalement exister en tant que telle, « moi, demi-finale Argentine-Pays-Bas, 62ème match de la Coupe du monde 2014 » ?

Même marquer encore plus de buts, avec un petit score de pongistes à la fin,
En cas de tirs aux buts, le sélectionneur
argentin tenterait un coup de poker :
la rentrée de Croketta sur le terrain.
genre 11-8, il n’était pas certain que ça fonctionne si on voulait faire péter à son tour le tout frais record de tweets lors d’un événement sportif. Vous savez, ce grand concours mondial de la petite blague, qui réveille sauvagement le chansonnier raté en chacun de nous, prêt dès lors à vendre sa mère pour un bon mot, à filer la métaphore de l’impérialisme allemand et à faire l’amour toute la nuit au point Godwin. 
Alors, bon dieu, que faire pour exister ce soir ? Que Nigel De Jong empale Messi sur un poteau de corner et ne récolte qu’un avertissement ? Que Van Persie joue avec un jet pack dans le dos pour marquer d’une papinade à 6 mètres de haut ? Que Robben obtienne un pénalty après chacun de ses 17 gadins en toc dans la surface ? Ou que Louis Van Gall fasse rentrer le kiné de l’équipe batave pour la séance des tirs au buts ? Non, aucun de ces scénarii ne fut retenu par la FIFA, il est prévu ce soir tout autre chose, qu’on ne saurait révéler sous peine de vous gâcher la partie. Mais il est fort à parier, que dans 20 ans, vous vous souviendrez que ce soir vous aviez mangé des Knacki avec Stéphane et José.
YLB

Ciao brasil

une petite chanson d'au revoir, cela ne fait jamais de mal...
alors salut l'artiste, ciao Brasil !




mardi 8 juillet 2014

Brésil vs Allemagne : la compote des équipes

Afterfives, abreuvé de patriotisme, saturé d'hymnes à la noix, lance à partir de ce soir, la compote des équipes : une manière élégante de saluer tous les joueurs, qu'ils soient sur le banc ou sur le terrain...





Brésil vs Allemagne



Que de matchs ! Que d’équipes ! Que de surprises !... Décidément, cette Coupe du Monde nous aura gâtés, et la rédaction de FIFA PAPA ne peut que s’enorgueillir d’avoir fait, à son modeste niveau, partie de l’aventure. Certains vont même jusqu'à affirmer que ce niveau de jeu est partiellement dû à l'exigence de nos rédacteurs ; les joueurs craignant d'être éreintés dans nos colonnes ont multiplié les exploits.

Ça, c’est l’entrée en matière gentillette, journalistique, façon Ouest-France, la petite introduction qui rassure le lecteur, qui ne fait pas de mal… Mais bon, si on se penche un peu sur la question, on peut se dire que, certes, au début, il y a eu des matchs qui ont créé la surprise. L’élimination successive de l’Espagne, de l’Angleterre et de l’Italie, au profit d’équipes qu’on n’aurait pas imaginées en huitièmes de finale, tout ça… N’empêche que lorsqu’on fait le bilan des équipes qui restent en lice, aujourd’hui, on ne peut pas franchement crier au miracle : le Brésil, l’Allemagne, l’Argentine, les Pays-Bas. Surprise ? Bof… Nous qui rêvions d’une finale Grèce-Japon, on l’a dans l’os !

Son équipe préférée a perdu
Pour nous autres Français, le match de ce soir est un dilemme. L’ami YLB le disait l’autre jour : quand son équipe a perdu, le supporter peut toujours virer de bord et se trouver un autre champion. Certes, seulement voilà : entre le Brésil et l’Allemagne, qui voudra-t-on encourager ? Pas l’Allemagne, de toute évidence, après ce qu’elle nous a fait ! Comme si elle n’avait pas eu, tout au long de son histoire, suffisamment de choses à se faire pardonner comme ça… Alors, le Brésil ? Le Brésil qu’on a affronté de nombreuses fois en Coupe du Monde (et ça nous a plutôt réussi) ? Le Brésil qui joue à domicile, ici, au « pays du football » ? Le Brésil déjà cinq fois champion du monde ? Bien sûr, on peut supporter le Brésil. Mais bon, entre nous, c’est un peu facile, non ? Pas de grande surprise là-dedans non plus…

Alors, bon, ce sera un Brésil sans Neymar. Il faut bien que la Seleçao ait un léger handicap, sinon ce n’est pas drôle. C’est ce qu’on appelle le suspense. 


Un vrai sportif, ce Claus
Il y a un autre aspect de cette rencontre que le mélomane et aficionado de bossa nova va apprécier. Pour cela, il faut se plonger méticuleusement dans les pochettes de disques : noter le nom des arrangeurs, des musiciens, enquêter, archiver, déterrer... Et si, comme certains d'entre nous, vous remarquez, de temps en temps, sur des albums sublimes ce blase mystérieux : Claus Ogerman, alors vous êtes piégés. Le bougre a la classe : installé au Brésil pendant les sessions d'enregistrement, il enquillait les bouteilles de whisky avec Antonio Carlos Jobim et sortait les violons. Vas-y mon gaillard joue-moi donc du crincrin ! Harmoniste sans faille, il détroussait les notes. Il était bel et bien le plus carioca des boches !


L'autre fan de bossa nova souhaitant rapprocher le Brésil et l'Allemagne évoquera instantanément Astrud Weinert ; délicieuse choriste de João Gilberto qu'elle épousera en 1959. Fermez les bans et le carnet rose, et place au match !



Raphaël Juldé & Dj Zukry

Plaidoyer pour le supporter



On s’est souvent moqué des supporters. Avant la Grande Victoire de 1998, mais aussi après. Les gens ont la mémoire courte. Quand les Bleus ont remporté cette finale historique contre le Brésil, tous les Français étaient devenus fans de foot (comme ils étaient tous Américains après le 11 septembre 2001), tous vantaient les mollets de Dugarry, tous voulaient appeler leur progéniture Zizou ou Bixente, tous rêvaient d’avoir la coupe de cheveux de Barthez. Les vrais supporters, eux, voyaient arriver cette foule de néophytes hystériques avec bienveillance d’abord, puis avec lassitude. Être obligé d’expliquer dix fois de suite la règle du hors-jeu ou la différence entre un penalty et un « six mètres », vous avouerez qu’il y a de quoi balancer quelques coups de crampons dans quelques gueules.

Mais enfin, les supporters avaient le droit d’exister, et de ne plus être considérés comme des veaux amorphes remplis de bière et de préjugés racistes. C’était un bon début.

Et puis, le temps a passé, la victoire a été oubliée, les Bleus se sont fait éliminer en 2002, et malgré tous les efforts qu’ils ont pu faire par la suite, on était habitué à mieux. Désormais, c’était champion du monde ou rien ! Et on ne la voyait pas encore briller, leur deuxième étoile… Alors, ceux qui avaient eu un léger sursaut d’enthousiasme en 98 se sont à nouveau désintéressés du ballon rond, et l’image du gros beauf de supporter est revenue en force. Comme si aimer le foot, c’était forcément posséder le quotient intellectuel d’une huître !

Si le supporter est dénigré à ce point, c’est qu’on le connaît mal. Il est temps d’y remédier. Qui es-tu, supporter, derrière ton maillot bleu et rouge en lycra masquant mal tes bourrelets ? (Nous n’évoquerons pas ici la supportrice, parce que c’est un peu trop compliqué.)
Les supporters sont nos amis

Le supporter commence tout petit à aimer le foot. En général, d’ailleurs, il prend très vite une licence dans son club local, et joue déjà en minime alors qu’il n’est guère plus grand que le ballon. Son rêve, en cet âge tendre, est d’un jour devenir un grand joueur. Il a des idoles : José Souto et François Omam-Biyik (s’il est Lavallois dans les années 80, bien sûr. Mais vous pouvez adapter selon vos désirs avec un Jean-Claude Suaudeau 1966 ou un Tony Vairelles 2002). Mais aussi Michel Platini, Alain Giresse, Dominique Rocheteau, Zinedine Zidane, Lionel Messi…

Le supporter en culottes courtes (qui vous répondra, sur un ton agacé, que « c’est un short, putain ! ») collectionne les vignettes Panini. Évidemment, lorsque je parle des vignettes Panini, il s’agit des figures de footballeurs ! Afin de plaire au plus grand nombre de gens, l’entreprise Panini avait eu la grande idée de décliner ses beaux albums d’images selon des thèmes aussi variés que possible. Ainsi, les enfants qui préféraient les dessins animés ou les séries télévisées aux compétitions sportives pouvaient demander à leurs parents de leur offrir l’album d’Albator, celui de Candy ou de Tom Sawyer.
Okay, toi, tu finiras seul

C’était mon cas. Je peux donc témoigner, aujourd’hui, à visage découvert, de ce calvaire que la plupart, avec l’âge, ont préféré refouler dans les pénombres rassurantes de l’inconscient.

Non, parce que lorsque mon frère achetait l’album Panini de la saison de foot en cours, il savait que ses copains, qui jouaient tous dans la même équipe à l’USL, avaient acheté le même album. Ils pouvaient donc s’échanger leurs vignettes en double et compléter rapidement le cahier, au moins aux trois-quarts (il reste toujours les dernières petites vignettes chiantes qu’on ne trouve jamais, sauf en les commandant directement chez Panini…). Tandis que moi, lorsque j’achetais l’album d’Ulysse 31, comment je pouvais échanger mes putains de doubles, et même mes « brillantes », avec ce con de Ludovic qui avait acheté Cobra ou Les Mystérieuses Cités d’Or ? Et après ça, on se demande comment ça nous vient, la solitude…

En grandissant, le supporter s’aperçoit qu’il aime la bière et la clope à peu près autant que le foot, et renonce donc tout naturellement à la professionnalisation. Il ne fera pas carrière au Stade Lavallois. Au mieux, il continuera, la trentaine bien sonnée, à évoluer chez les vétérans au club de foot de La Chapelle-Anthenaise ou à celui de Montreuil-Poulay.
La Coupe du Monde des copains

Parallèlement à sa passion pour le ballon rond, il lui faut donc gagner sa vie. Le supporter de foot trouve alors un emploi et même, à l’occasion, une femme. Il fonde une famille et espère bien qu’il trouvera parmi ses rejetons au moins un qui éprouvera le même intérêt que lui pour le foot. À première vue, donc, le supporter est une personne comme vous et moi. Un peu plus comme vous que comme moi, mais à peine.

D’ailleurs, en dehors de la saison de foot, dans ces interstices entre la Coupe du Monde, l’Euro et la Ligue des champions, le supporter de foot se distingue assez mal parmi la foule. Certes, il s’ennuie, son œil est terne, sa bouche est triste – mais il ressemble en cela à de nombreux autres neurasthéniques qui n’ont jamais mis les pieds dans un stade ! Le supporter peut être votre voisin de palier, votre collègue de travail, votre dentiste ou même votre coéquipier au tennis – car certains poussent le vice jusqu’à cumuler plusieurs passions coupables !

Au fond, il n’y a vraiment que durant un match de foot que le supporter paraît ridicule, voire idiot, qu’il peut vous sembler, dans ses beuglements, se rapprocher de l’animal, qu’il peut vous ennuyer profondément et vous faire douter de la clairvoyance de Dieu le jour où Il a créé l’humanité. Et un match, au fond, ça dure quoi ? Quatre-vingt-dix minutes ? Allez, deux heures avec les prolongations ? Et c’est pour ça que vous râlez ? On peut pas juste avoir la paix deux putains d’heures, non, c’est trop demander ? À quoi ça a servi d’acheter un lave-vaisselle, alors ?...

Le supporter vit avec son équipe, et meurt avec son équipe. Et ça, les gonzesses, elles sont pas foutues de le comprendre.

Une sympathique chanson de supporter

Raphaël Juldé



lundi 7 juillet 2014

L'histoire vraie (bien que romancée) de Goal et But

Hélène Goal a longtemps souffert de son patronyme. Moquée, conspuée, insultée par ses camarades de classe, elle a même effectué une tentative de suicide. Un échec total qu’elle ne regrette pas aujourd’hui.

En 2012, elle publie une annonce sur un site de rencontres. Avec auto-dérision, elle s’y décrit comme une « petite gardienne de moins d’un mètre, au corps frêle et chétif mais avant tout une femme prête à encaisser tous les mauvais coups ». Le relatif nanisme d’Hélène Goal est en effet un frein aux rencontres, même d’un soir. Comme elle l’écrit elle-même, sans réelle finesse (soit dit au passage), en introduction sur sa page d’accueil : « Il est temps pour moi de sortir de ma cage et de dégager le ballon de mes soucis au plus loin, loin de cette surface de réparation qui ne me soigne pas et m'oblige à plonger dans le désespoir. Non, la fin de la partie n'a pas été sifflée ! ». 

C’est ainsi qu’avant Noël 2013 elle rencontre Patrick But ; atteint pour sa part d’un profond strabisme divergent et convergent, un jour sur deux. C’est le coup de foudre, la rencontre explosive. Ils s’envoient des centaines de messages et s'y délivrent comme jamais (Patrick allant même jusqu'à avouer avoir chialé devant "Les petits mouchoirs"). En échangeant ainsi quotidiennement, ils se découvrent des points communs : l’humour dévastateur d’Elie Kakou, la cuisine sans sel, le vélo d’appartement, les séries policières françaises, les couchers de soleil, la musique baroque, les bars lounge, les draps sales, les ascenseurs et le football. 

Oui, ce football qui unit les peuples est aussi celui qui va souder ces deux indécrottables solitudes. Patrick est un furieux de l’OM dont il collectionne les objets les plus insolites (comme ce couscoussier, comme cette poussette pour triplé, comme ce tabouret géant fluo vert, comme ce pyjama en pilou qui ne peluche pas, comme cette brosse à dents en bois d'hêtre, comme ce fer à repasser qui laisse des traces de crampons...).

Hélène, de son côté, est folle de l’AS St Etienne depuis l’enfance. N’écoutant que leur ardeur et leur amour, ils décident ainsi de se rencontrer physiquement pour la première fois le 17 février dernier pour ce match OM-ASSE qui se soldera au passage par un match nul (1-1). 

A la mi-temps, Patrick mange un sandwich à la merguez, Hélène des frites sauce ketchup. Le public venu nombreux au stade Vélodrome repère immédiatement ce couple atypique et certains supporters, totalement anisés, les jalousent déjà secrètement.




A la 93ème minute, Brandao égalise sur un bon coup-franc lointain de Corgnet  tandis qu’Hélène et Patrick échangent leur premier baiser et leur maillot. 

Dj Zukry

dimanche 6 juillet 2014

La lettre d’excuses de Zuniga à Neymar

Au cours d’un duel rugueux entre Zuniga et Neymar, le Colombien a blessé le Brésilien qui a été contraint de déclarer forfait jusqu’à la fin de la Coupe du monde. Compétition terminée pour Neymar donc et d’énormes regrets. Des regrets aussi dans le camp du défenseur des Cafeteros, qui a adressé une lettre d’excuses au principal intéressé.



« Salut Neymar,

Je t’écris depuis ma chambre d’hôtel. La 112. Mes bagages sont à côté de moi et j’ai comme un pincement au coeur, comme un sentiment d’inachevé, comme un goût de sang dans la bouche. Il faut que je vide mon sac, maintenant, avant de rejoindre les miens. Je n’ai quasiment pas fermé l’oeil de la nuit.

Je vois bien que j’ai fait une connerie, Junior : je lis la presse, je consulte mes mails, je suis abonné à Twitter et Facebook. D’habitude, quand je blesse, j’évite de faire mal : ce n’est pas mon genre. Oui, je suis agressif mais pas méchant. Ou alors je tue directement. Question d’éducation. En tout cas, je n’aime pas laisser de traces sur le corps de mes victimes. C'est mon côté élégant.


Toi, je le reconnais, je ne t’ai pas loupé. Oh putain la gueule de ta colonne vertébrale ! Je suis pas toubib, Junior, mais t’es pas prêt de remarcher... Non, je déconne. Dans moins de six mois tu courras comme un lapin de garenne. Et puis pour draguer les filles, en fauteuil roulant, c’est plus simple. Tu vas devenir un vrai aimant à gonzesses, mon pote ! Elles vont se bousculer pour te faire rouler dans les jardins botaniques, t'accompagner partout dans tes déplacements sur les plateaux TV, te filer un coup de gant de toilette sur tes petites guiboles sous la douche. Tu pourrais presque me remercier, tu vois ?

Bien sûr, j’ai de la peine pour cette situation qui est le résultat d’une action normale de jeu, laquelle ne contenait ni mauvaise intention, ni méchanceté, ni imprudence de ma part.  Du moins, c'est ce qu'on me conseille de t'écrire, dans ce jargon professionnel, clinique et froid... En résumé, c'est le sport, mon gars ! Fallait faire de la pétanque si tu voulais t'épargner des bobos ! Moi je joue au foot et c'est un sport couillu. On frotte, on effleure, on laisse traîner des genoux, des jambes, des coudes. C'est comme en boite, quand je suis sur le terrain, je contrôle plus mon corps. Tu me comprends, Junior, toi qui aimais danser... Enfin, qui aime danser, pardon...


Je veux t’envoyer un salut spécial, Neymar. Je t’admire, je te respecte et je te considère comme l’un des meilleurs joueurs au monde. J’espère que tu récupéreras vite. Et passe me voir au pays à l'occasion ! De mon côté, je ne suis pas sûr d'être le bienvenu sur tes terres. J'ai même reçu des menaces de mort ; ça fait cher payé pour un dos, même le tien. Et puis t'es jeune, tu t'en remettras. Eh, Junior, je suis convaincu qu'on se retrouve chez Poutine dans 4 ans ! On prend les paris ?

Bon allez, je dois filer. 

Salut l’artiste,
Zuniga».