samedi 5 juillet 2014

Pays-Bas vs Costa Rica : les hymnes




Ces hymnes à la noix vous ont été offerts par Afterfives : fournisseur officiel de chansons patriotiques pour la Coupe du monde 2014.

Pays-Bas vs Costa Rica



Ah, ça fait mal aux yeux ! (dit l'adversaire)
D’une trentaine de centimètres de haut, le quetzal est un oiseau de petite taille. Le footballeur costaricien, au plumage principalement rouge, bleu et blanc, repousse les rayons ultra-violets du soleil et peut se rendre invisible aux yeux de ses ennemis. Cette faculté à réfléchir la lumière perturbe les défenseurs qui apprécient mal la taille du joueur et sa position exacte. C’est également ce qui lui vaut son nom de quetzal qui signifie, bande d’ignares, « resplendissant ». Ce que proposent les « Ticos » dans ce quart-de-finale face aux Pays-Bas est bien d’aveugler l’adversaire, à l’instar de son oiseau totem, pour planter  sans vergogne des buts et ne pas en encaisser. 
D'autre part, le ventre des onze joueurs du Costa Rica est couvert de plumes rouge vif destinées à impressionner la femelle brésilienne lors de la parade nuptiale que les ornithologues considèrent comme l’une des plus belles au monde. Cette parade ne sera probablement pas diffusée ce soir à une heure de si grande écoute. Le cri du Tico, par contre, est particulièrement pénible et discordant. Ceci dit, cela reste toujours moins insupportable que la vuvuzela. 
Les Oranje, quant à eux, sont en confiance après avoir, notamment, écrasé les espingouins. Les gaillards ont également éliminé les Mexicains dans un match qui a bouleversé notre camarade YLB, si sensible à l'injustice. Arjen Robben, l’attaquant batave de 30 piges, est en pleine bourre, prêt à plonger à la moindre occasion. Nous attendrons donc de l’arbitre ouzbek une vigilance de chaque instant.


Ceci n'est pas une pub pour un fournisseur téléphonique

Il faut reconnaître qu’on ne les aurait pas imaginé aller si loin dans la compétition, ces deux équipes. Les Hollandais ont fait une entrée fracassante, et si la vie ne m’avait pas appris à renoncer aux mauvais jeux de mots, je dirais qu’ils se sont engagés dans cette Coupe du Monde avec un bon emmental. Qui pouvait s’attendre à trouver de si bons joueurs au pays du Gouda et des gentils petits moulins ? Les Ticos, eux, se sont imposés de façon moins grandiloquente. Ils se sont trouvés face à des équipes, et il leur est arrivé de les battre. Du coup, ils continuent. Le match de ce soir les départagera, mais une chose est sûre : si les Brésiliens ont déjà l’impression qu’une sixième étoile commence à briller sur leur maillot, après leur victoire contre la Colombie, ils ont intérêt à se méfier des outsiders, qui n’ont pas l’air d’être venus dans leur pays pour le tourisme, le carnaval et la samba…
Raphaël Juldé & Dj Zukry

Argentine vs Belgique : les hymnes

Afterfives revisite les hymnes, en français (s'il vous plaît), des équipes en compétition, dans une forme de folk patriotique.

Main sur le coeur, regard vers l'horizon : écoutez donc nos hymnes à la noix. 



Argentine vs Belgique


La tâche est rude, et le timing serré : il est 16h44 et j'ai 45 minutes pour présenter ce match avec une gueule de bois en chêne massif, de celles où les neurones baignent à l'aveugle dans un agrégat de fonds de verre de punch, de junk food avariée et d'eaux souillées par les mégots. Il a bien fallu boire pour oublier tout le blues de cette défaite, forcément prématurée, et éminemment frustrante tant « il y avait la place », comme on dit lorsque les regrets, voire la mauvaise foi, prennent le pas sur toute autre considération tactique élaborée. On a bien cru refaire le coup de France-Italie 2000, avec ce rush de Benzema à la 94ème, mais non, la main ferme de Neuer a stoppé net le missile français. Les larmes du petit Griezman, inconsolable, ont achevé de mêler les nôtres aux litres de boisson fermentée. C'est l'avantage du supporter sur les autres buveurs : que son équipe gagne ou perde, il a toujours un prétexte en or pour se la coller sans culpabiliser.


L'artiste belge Stromaé animera la mi-temps du match.
Le supporter connaît aussi un autre tour de passe-passe. Girouette opportuniste, il peut décider de faire le deuil de son équipe en quelques heures en se trouvant de nouveaux chouchous. Et ainsi tenter de maintenir à un degré respectable la passion embrasée à même son canapé. Comme une prise subite et inconséquente de Viagra pour faire repartir cette vilaine demi-molle qui s'est pointé au coup de sifflet final la veille. Ce geste désespéré, indigne aux yeux de certains patriotes exclusifs, je m'apprête à le réaliser en supportant nos amis belges. Ils n'habitent pas loin, ont le sens de l'humour, et ils brassent d'excellentes bières : ce sont trois raisons amplement suffisantes pour se raccrocher de justesse au wagon des Diables rouges, et repartir sur les rails de la ferveur supportrice.

Il est maintenant 17h25, j'ai eu un mal de chien, entre deux soubresauts nauséeux, à torcher ces trois lignes, mais ça y est, je sens déjà l'excitation poindre et monter en flèche. Allez hop, je vais me chercher une petite Grimbergen au frigo. 

 YLB


Tératologie Footballistique

Maintenant que l’équipe de France est dans l’avion, les zélés commentateurs s’interrogeront sur la physionomie de cette Coupe du monde si celui qui porte sur son visage les stigmates de son enfance, comme les plaies du Christ ne cessent de nous rappeler ce rite exotique qu’est la crucifixion, avait été présent. Car oui, les compagnons d’infortune de Ribéry, ses apôtres en quelque sorte, dans le championnat allemand ou avec les Bleus, jouent reclus à l’arrière du terrain afin de retarder l’instant où ils devront croiser le regard du monstre qui leur rappelle, cruellement, qu’ils ne sont qu’humains après tout.


Il eut été trop évident, pour un entraîneur cynique, d’enfermer Ribéry dans une cage : il aurait ainsi effrayé les attaquants, leurs jambes auraient flagellé au moment du tir, souffle coupé, rose aux joues, vision fuyante, frisson sur les tibias, et le ballon passant à 20 mètres des poteaux…

« Monstres : on n’en voit plus », 
Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues.


C'est à l'âge de deux ans, suite à un accident de voiture, que Franck Ribéry a été marqué d'une large cicatrice au visage. Les surnoms l'ont ensuite suivi toute sa scolarité : « A l’école, les autres m’appelaient Frankenstein » a-t-il déclaré au journal allemand Sport Bild. On ne pourra pas reprocher au capitaine de l’équipe de France de n’être point cinéphile : Frankenstein est le nom du docteur, pas celui du monstre. Voilà ce qu’il aurait pu répondre à ses camarades de classe mais un coup de poing faisait aussi bien l’affaire. Autre insulte proférée, ma préférée : « Lascarface »… 

« J'ai souffert à cause de cette cicatrice 
mais elle m'a aussi rendu plus fort. 
Si tu n'étais pas fort dans la tête, 
tu étais un homme mort ».


Avec la précision qu’offre aujourd’hui la chirurgie esthétique, il semble presque inconcevable que l’attaquant bavarois n’ait pas souhaité gommer cette trace de son passé, difformité anachronique. Lui-même apporte une réponse à cette interrogation : « Personne ne touchera à ma cicatrice ; sinon, ce n'est plus moi ». 



Comme Gwynplaine, le héros laid de Victor Hugo, Frank Ribéry est un « homme qui rit » : calembouriste approximatif : « J’espère que la routourne va vite tourner », Kaiser de l’auto-dérision : « Moi personnellement, je me critique moi tout seul », il renouvelle une forme de poésie de l’absurde, du non-sens ; dans la lignée d’un Cantona (qui, au contraire de Ribéry, prenait des airs insupportables d’artiste ; ce qu’il pense d’ailleurs être devenu) ou d’un Van Damme. Ses propos sont compilés, montés en boucle, reproduits à l’infini, édités, recopiés… Et croyez-vous qu’il exigeât des droits d’auteur en compensation ? Non, alors, quel désintéressement !


« Alors que les joueurs et l'encadrement du Bayern attendaient dans le bus pour se rendre de leur hôtel au stade d'entraînement, Franck Ribéry a pris le volant du véhicule. L'ancien Marseillais a voulu faire le tour du complexe hôtelier mais a raté sa manoeuvre. Il a arraché deux panneaux d'affichage et renversé un plot en béton ».

Ribéry est un potache, il perpétue l’esprit de chambrée, bon enfant, insolence sans méchanceté à la française : seau d'eau sur la tête, sel dans le verre, chaussettes découpées, dentifrice dans les chaussures, coussin péteur dans les vestiaires… Il est comme ce vieil oncle farceur qu’on aime détester dans les repas de famille ; sa présence nous indispose mais son absence provoque un malaise encore plus grand. 

 


« Avec lui, je prends beaucoup de plaisir. Il adore déconner. A table, je suis assis à côté de lui et je suis tout le temps mort de rire. Il y a quelques années, j'avais été interviewé par une télé française. Franck me chambrait à travers la fenêtre des vestiaires pour essayer de me déconcentrer » - Daniel Van Buyten.

Question rigolade, avec Benzema, on peut dire que l’équipe de France est vernie. Sa meilleure vanne datant d’il y a 4 ans...

Dj Zukry

vendredi 4 juillet 2014

L'entretien SWAG de Dj Zukry #4

Bonsoir à toutes, bonsoir à tous,
Cette rubrique du vendredi soir, je la dois aux jeunes car j'aime les jeunes : une jeunesse sans cesse en mouvement qui invente, innove, et nous, les vieux, un peu à l'écart, en retrait, avons le plus grand mal à suivre... Combien de fois ai-je entendu : "Mon fils se met du gel dans les cheveux, que dois-je faire Doc' ?". Dans ces cas-là, je commence toujours par dire que je ne suis pas docteur ; ce qui est parfaitement vrai et, ensuite, je m'éclipse discrètement : cela s'appelle filer à l'anglaise et c'est d'une élégance folle (surtout si vous portez une veste en tweed et une cravate en laine).
Je suis avant tout un sociologue : j'observe, je contemple, j'analyse et je synthétise. Quoi ? Que les Guy, dans notre société contemporaine, sont enviés et jalousés. Oui, les Guy sont calomniés car ils sont Guy, tout simplement, et être Guy, en 2014, c'est le mal absolu. Pourquoi s'en prendre aux Guy alors que tant de Philippe pullulent, pourquoi s'en prendre aux Guy alors que les Pierre sont probablement les pires individus de l'espèce humaine ? 
Vous avez déjà entendu, sortant de la bouche baveuse d'un jeune, cette expression : "Swag" et n'avez jamais osé demander autour de vous ce que cela signifie. C'est tout simple pourtant : "Secretly We Are Guy" (ce qui signifie : "Secrètement nous sommes Guy"). Vous comprenez maintenant ? 
En résumé, cette rubrique est donc l'occasion unique, en cette période de fête mondialisée et de résultats du bac, de sortir les Guy de leur tanière, de leur malaise, et de leur confier la parole, de montrer aux ostraciseurs patentés ce que sont vraiment les Guy : des êtres d'exception ! 
 C'est ainsi que nous avons déjà eu des entretiens exceptionnels avec Guy RouxGuy Môquet et Guy Lux.

Cette semaine, GUY DE MAUPASSANT, star des Lettres, est mon invité :

Dj Zukry : Salut Guy ! Bon, je dois t’avouer que je suis peu stressé… C’est le père Juldé, notre éminent spécialiste littéraire, qui devait assurer le questionnaire SWAG de la semaine mais il s'est pris de passion pour le foot et regarde le Brésil/Colombie.
Guy : Avant de commencer, je tiens à vous remercier car je sais que cette rubrique est lue par les jeunes et que certains d’entre eux pensent que je ne suis qu'un nom de collège ou de lycée.
Dj Zukry : Oui, alors qu’il y a des places, des rues, des parcs, des impasses, des ronds-point, des boulevards, des aires de repos et des stations de bus qui portent également ton nom.
Guy : Les gens savent-ils vraiment qui je suis ?

Dj Zukry : Je suis sûr qu’ils en sauront plus à la fin de ce questionnaire. Tout d’abord, quel style de Guy es-tu ?
Guy : Comme l'indique mon patronyme, je suis un Guy silencieux : les mots passant, seuls les écrits restent. Voyez-vous, venant de la campagne, le mutisme est quelque chose qui m'est tout à fait naturel. En retrait, j’observe les mouvements de mes contemporains, comme un docteur : les gens sont pour moi réductibles à des pathologies... Cela peut vous sembler cruel mais...

Dj Zukry (interrompant Guy) : Est-ce qu'il y a des Guy qui, dans ta vie, ont exercé une certaine influence sur toi ?
Guy : Difficile de répondre modestement à cette question… On va encore me trouver snob. Peu de personnes ont pu agir sur moi, d’une façon ou d’une autre. 
Dj Zukry : Même Flaubert ? 
Guy : Sans vouloir vous offenser, mon cher Zukry, Flaubert s’appelait Gustave. Entre nous, on disait « Tatave »... Et je vous interdis de me parler de Zola ! Ah, celui-là, quel prétentieux ! Non, honnêtement, aucun Guy… Aucun…

Dj Zukry : Guy, dans ta vie quotidienne, as-tu usé de ton prénom ? Par exemple, tu déboulais dans les soirées naturalistes de Médan, chez le vieux Zola (pardon, Guy, de le citer) et, arrivé à la porte, tu disais « Hey, les gars, c’est Guy ! Bougez-vous le cul pour m’ouvrir la lourde ! » et donc le personnel de la maison se pliait en quatre pour t'accueillir… Par exemple… 
Guy : Je ne suis pas le genre de type à frapper aux portes… 

Dj Zukry : Guy, tu n'es pas sans savoir que nous sommes en pleine Coupe du Monde... Je n’ai pas lu toutes tes nouvelles ni tous tes romans : as-tu écrit sur le sport ?
Guy : Si vous considérez que le canotage est un sport, alors oui, je suis un putain de sportif. J’ai navigué en eaux troubles, mon petit… Et la chasse, voilà un sport admirable ! Rien que d’en parler, j’en bave d’avance… Voulez-vous me faire plaisir ? Alors apportez-moi un gibier, n’importe lequel… On chasse encore dans le coin ?
Dj Zukry : Moyennement. La chasse n’a plus très bonne presse. 
Guy : C’est bien dommage. Je chassais le bourgeois également ; c’était très drôle. Enfin, tout ça se passait dans un autre siècle... Quand je vois tous vos équipements, là, vos internet et tout le tremblement... 

Dj Zukry : Avant que tu ne partes, je souhaite que tu participes au quiz "SWAG OU PAS SWAG". Je te donne un nom et tu me dis si cette personne rêve, en secret, de s'appeler Guy. On y va ?
Guy : Si vous le souhaitez… Mais quelle décadence ! Toute cette belle intelligence au service d’un si piètre questionnaire ! Votre civilisation me semble mal barrée, si vous me demandez mon avis… Mais exercez donc votre boulot : je ne suis qu'un vieux râleur !
Dj Zukry : Je t’avais prévenu, Guy, l’école française a foutrement détérioré le niveau intellectuel… En même temps, comme je t’expliquais en préambule, c’est Raphaël Juldé qui devait s’occuper de ton cas… Bon, je termine quand même… Léon Bloy, SWAG OU PAS SWAG ?
Guy : SWAG, sans hésitation. 

Dj Zukry : Merci Guy de ta présence parmi nous ce soir. C’est un honneur, vraiment. J’espère que les jeunes, notre coeur de cible, aura apprécié cet entretien. Pour bien saisir toutes tes facettes, il faut lire ton oeuvre, bien entendu. Un conseil pour nos amis ?
Guy : J’encourage la jeunesse à lire mon plus merveilleux roman : « Le rouge et le noir ». 
Dj Zukry : Un grand merci Guy. Vive le ballon rond et l’humour littéraire !

La semaine prochaine, je ne recevrai personne. Gloire aux Guy.

Mi-temps Brésil/Colombie

L’arbitre espagnol vient de siffler la mi-temps. Ce doit être flippant, tout de même, d’imaginer tous ces yeux braqués sur vous, attendant la moindre erreur de votre part, guettant le moindre signe de faiblesse, voyant au ralenti sur le grand écran installé des deux côtés du stade l’action qui vient de se dérouler. D’y penser vous colle le vertige ! 

Vous ne comprenez pas comment un individu à peu près équilibré, a priori normalement constitué, puisse devenir arbitre et se mette ainsi, chaque dimanche, à courir comme un dératé après 22 types qui ne cherchent qu’à vous fuir. Ces hommes en noir ont un sérieux problème psychologique… 

Néanmoins, cet idiot vient de sifilet la mi-temps et vous souhaitez mettre à profit ce quart d’heure de suspension pour :
  • Relire le résumé de « A mort l’arbitre »,
  • Chercher pourquoi, dans certains stades français, on hurle « Aux chiottes l’arbitre » (alors qu’il y aurait probablement d’autres endroits où les arbitre pourraient aller se réfugier, non ?),
  • Traduire « carton jaune » dans toutes les langues,
  • Chercher votre sifflet et expulser votre femme pour tirage de maillot dans la surface de séparation.
Aussi, le corps arbitral de Fifa Papa, soucieux de votre qualité de vie, vous propose quinze minutes avec l’architecte de la bossa nova, le seul pianiste capable de vous émouvoir en jouant tout avec un seul doigt, l’impeccable mélodiste, le redoutable harmoniste, l’inégalable compositeur, le créateur de centaines de standards brésiliens… bref, quinze minutes avec le génial Antonio Carlos Jobim. Et ne me dîtes pas que vous n’êtes pas préparés pour cette deuxième mi-temps.


Brésil vs Colombie : les hymnes

Afterfives revisite les hymnes, en français (s'il vous plaît), des équipes en compétition, dans une forme de folk patriotique.

Main sur le coeur, regard vers l'horizon : écoutez donc nos hymnes à la noix. 



Brésil vs Colombie




Si vous n’êtes pas trop bégueules, vous admettrez que je puisse écrire, en dépit du bon sens et de la géographie, que le match de ce soir est un derby. Après tout, nous ne sommes pas à 4 000 kilomètres près. Au Brésil, tu pars de chez toi un lundi, t'arrives chez ton voisin le plus proche avec une barbe de quatre jours. Le charme d’un derby réside dans cet état d’esprit de fraternité : tu m’as piqué ma femme au bal du village, en 1997, je te tacle gentiment derrière la nuque. Bon enfant. A la fin, on sort le barbec, on déconne autour des saucisses et on oublie ses vieilles rancoeurs dans le fond d’une bouteille de pif.

On se la coule douce autour du barbecue... 

Chochotte !
Thiago Silva est une lavette, une fiotte, une pleurnicheuse. En substance, c’est ce que pense le coach brésilien. Fallait le voir notre capitaine auriverde, avant l’insoutenable séance des pénos… « Non je veux pas y aller ! Et si je le loupe ? Que vont penser les millions de personnes qui me regardent ? Serais-je la risée de tout un pays ? Où j’ai mis mes lunettes ? ». Et Scolari n’aime pas les faibles. Il veut du viril. Les complaintes, les gémissements, faut les laisser au vestiaire avec le casque Beats. Cependant, on se demande toujours pourquoi le sélectionneur du Brésil s’évertue à faire jouer Fred. Il doit être sacrément sympa dans la vie, Fred. C’est pour ça : on lui pardonne tout. Ou alors il sait des choses, il a des dossiers à balancer et il tient tout le monde en respect... En tout cas, il doit bien y avoir un truc sinon c'est pas normal... 

Après cette victoire contre le Chili, il a fallu faire appel à une psy. Avec leurs crampons dégueulasses, les joueurs brésiliens ont salopé le canapé. 

Bien sûr, parce qu’on a le fond mauvais, à Fifa Papa, on aimerait bien voir gagner la Colombie, techniquement assez au point, pratiquant un football spectaculaire. Et nous, le spectacle, ça nous botte. Après tout, si on voulait s’emmerder devant du sport, on ouvrirait un blog sur le cyclisme pendant le Tour de France. 

Dj Zukry

Mi-temps France/Allemagne

L’arbitre argentin vient de siffler la mi-temps. Vous vous questionnez sur l’identité française depuis le début du match. Est-ce que Michel Sardou a raison ? Si les Ricains n’avaient pas été là, serions-nous tous vraiment en Germanie ? Qu’est-ce qu’être Français ? Une langue, un territoire, une culture, des valeurs communes, un idéal républicain ? Et n'est-ce pas en Argentine que se cachent d'anciens criminels nazis ? Tiens donc, comme par hasard : un arbitre argentin qui vient de siffler la mi-temps ! Aurait-il des choses à cacher sur son passé pour abréger ainsi cette partie ?

Toutes ces questions vous taraudent et vous empêchent d’assister sereinement et pleinement à cette rencontre. 

Par un étrange hasard, vous avez consulté notre blogue et avez parcouru d’un rapide coup d’oeil diagonal l’ensemble des textes et il vous semble que vous n’avez trouvé aucune réponse à vos interrogations existentielles. 

Tant pis, vous allez profiter de ces quinze minutes pour : 
  • Commander l’oeuvre intégrale de Maurice Barrès,
  • Vérifier votre arbre généalogique,
  • Scruter votre visage dans la glace (vous n’auriez pas le nez un peu trop oriental ?),
  • Défriser vos cheveux.
Aussi, la Kommandantur de Fifa Papa, soucieuse de votre bien-être, vous a concocté un quart d’heure de délicieuses chansons interprétées dans la langue de Brecht. Il est évident que vous allez reprendre cette deuxième mi-temps avec l’esprit apaisé.


France vs Allemagne : les hymnes




Ces deux hymnes vous ont été proposés par le troubadour officiel de Fifa Papa : Afterfives.

Sur le banc de touche : France/Allemagne



Avant chaque match de l'Equipe de France,
Fifa Papa dresse le portrait binaire
de deux joueurs dont les fesses seront probablement collées
au banc de touche pendant 90 minutes.
Ceci dit, nous n'empêcherons jamais Didier Deschamps de les faire entrer,
s'il le souhaite vraiment...

17. DIGNE (Défenseur)


Il aime :
  • L'odeur des chaussettes dans les vestiaires,
  • Le bruit des crampons dans le couloir,
  • Le choc du ballon dans la gueule du goal,
  • Le sang qui coule des narines d'un attaquant,
  • La mise à mort d'un arbitre par tabassage collectif.

Il déteste :
  • La violence (« je suis un mec très complexe »),
  • La guerre,
  • L'irrespect (« si tu me respectes je te respecte mais c'est surtout l'inverse qui est vrai »).



20. RÉMY (Attaquant)

Il aime : 


  • Avoir un prénom comme nom (« et surtout pas l'inverse »),
  • Les journalistes qui mettent les accents sur les lettres en majuscules de ses prénom et nom (LOÏC RÉMY),
  • Poser son flow ravageur sur les instrus de DJ Ybril Scie-C (« ce mec est un guedin : poum tchak poum tchak tchak ! »),
  • Aboyer sur les défenseurs (« ça leur fout les chocottes. Et moi ça me défoule »),
  • Imiter la poule quand il marque un but (larmes. « c'est toute mon enfance dans la ferme familiale de Rillieux-la-Pape »).

Il déteste : 

  • Son frère Paul quand il usurpe son identité afin de draguer des filles faciles (« en plus, il est vachement plus noir que moi »),
  • Karim Benzema (« c'est à cause de lui si je suis ici [ndlr : sur le banc de touche]. J'espère secrètement qu'il se blesse contre l'Allemagne »),
  • Retourner en Martinique (« mon pays c'est la France, pas la Martinique »),
  • Les personnes qui lui rappellent qu'il a dédié son premier but en Ligue 1 à Joël Bats (« une erreur de jeunesse, merde à la fin ! »).

France vs Allemagne



Depuis lundi soir, on ne vous parle plus que de ça. Mais non, pas des dernières magouilles de Sarkozy, franchement ! Qui ça intéresse, ça ? Non, je vous aide : souvenez-vous, c’était il y a trente-deux ans. Vous avez intérêt à savoir de quoi je cause, il y a des gens qui seraient capables de vous juger sur cette simple question : « Où étiez-vous le 8 juillet 1982 ? » Avec un peu de chance, vous n’étiez même pas né, ou vous étiez trop jeune, ou vous aviez encore des cheveux.

France-RFA ! La demi-finale de la Coupe du Monde à Séville ! Ça y est, vous y êtes. Ce match, c’est un peu la bataille de la Marne du football. On prononce encore le nom de Schumacher en frissonnant, comme si c’était la Division Das Reich à lui tout seul. Harald Schumacher, dit « le Boucher », à ne pas confondre avec le champion de Formule 1 comateux. Le goal allemand, c’était plutôt le genre à envoyer les autres sur le tapis. Il a toujours un carton rouge qui plane au-dessus de sa tête, comme une épée de Damoclès : celui que l’arbitre n’a pas sorti ce jour-là, quand Platini est allé ramasser l’ami Battiston à la petite cuillère…
Le visage de la haine

On en a bouffé, de ce match, ces derniers jours. Le penalty de Platoche qui permet à la France d’égaliser, le but refusé de Rocheteau, l’agression du Boucher, la reprise de volée salvatrice de Marius Trésor, les tirs au but… On pourrait enseigner ce match au collège comme une tragédie de Corneille !
N'oublions jamais

La France crie vengeance. La France ? Disons les journalistes, qui aiment bien remuer le passé, ressortir les vieux dossiers… Les Bleus, ce soir, affrontent l’Allemagne en quart de finale. Le temps a passé, ce sont d’autres joueurs, une autre époque, et même une autre Allemagne. François Mitterrand et Helmut Kohl se sont donné la main, bordel ! On peut partir à l’assaut avec dans la tête l’envie de venger Battiston… ou plus simplement, l’envie de faire un beau match et de propulser la France en demi-finale. Les Allemands ne sont pas invincibles ! La preuve : ils ont capitulé en 1918, sur le stade du R.C. Rethondes…
Ils en font pas un peu trop, les Boches, niveau défensif ?

Raphaël Juldé

Produit dérivé #2 : FIFA 98

Le 14 juillet 2014, c’est l’été. Pour ceux qui ne sont pas en vacances, c’est tout de même week-end prolongé grâce au lundi férié. On va tous pouvoir profiter des embouteillages pour aller à la plage. Le 14 juillet 2014, c’est la fête nationale, certains imaginent déjà l’incroyable célébration patriotique qu’entraînerait une victoire de l’équipe de France lors de cette coupe brésilienne. Car le 14 juillet 2014, c’est aussi et surtout un lendemain de finale de coupe du monde, le jour où, après un mois de compétition, il n’y a plus rien. Même si l’on fait semblant, même si l’on fait comme si cela allait durer toujours, le 14 juillet 2014, ce sera ça : le jour du vide. Alors, nous nous acharnerons à remplir ce vide à grands renforts d’analyses et de commentaires, de visionnages et de revisionnages des moments-clefs, des tournants des matches, des images insolites, des instants d’émotion… jusqu’à en dégueuler. La dure réalité est bien là : le 14 juillet 2014 inaugurera quatre années d’attente insoutenable à nous vautrer dans le recyclé jusqu’à la coupe du monde de Poutine.

Fort heureusement, outre les autres compétitions qui, si elles peuvent avoir de l’intérêt, n’auront jamais le charme d’une Coupe du Monde, il existe de puissants palliatifs au premier rang desquels trône le jeu vidéo.


De plus en plus réalistes, de plus en plus immersifs, les jeux vidéo de simulation footballistique emportent l’adhésion des joueurs les plus exigeants tout en confisquant leur volonté. Certains addicts vont jusqu’à préférer le jeu interactif dernier cri au bon vieux match que l’on regarde entre potes affalés dans un canapé une bièrette à la main. A ces inconscients, je dis : Pauvres fous ! Vous n’avez rien compris.

En effet, si les éditeurs de logiciel rivalisent d’ingéniosité pour conquérir le marché du jeu de foot sur console ou ordi, ils ne pourront jamais mieux faire que… FIFA 98 : En route pour la Coupe du Monde, disponible sur Nintendo 64, PlayStation, Windows, Game Boy, Super Nintendo, Mega Drive et Saturn. 


Il suffit de rentrer la cartouche dans la console et c’est parti ! EA Sport, it’s ain’t a game bordel ! Accueilli par la douce voix de Jean-Luc Reichmann, vous avez le choix entre un grand nombre de compétitions nationales et internationales. Mon conseil : dans un premier temps, contentez-vous d’un match unique puis lancez-vous dans un championnat national ou une coupe internationale ! 




S’ensuit le choix des équipes, là également FIFA 98 : En route pour la Coupe du Monde rime avec voyage ! Si vous pouvez vous contenter de jouer contre l’ordinateur, c’est certainement face à un adversaire humain que vous pourrez tirer le plus grand plaisir de FIFA 98 : En route pour la Coupe du Monde. Il est en outre possible de jouer en collaboration à deux contre l’ordinateur ou contre deux autres joueurs de n’importe quel sexe. Pour couronner le tout, les commentaires redondants de Thierry Gilardi et de David Ginola vous plongeront à coup sûr dans la béatitude la plus complète.


Bref, vous n’en avez peut-être pas encore conscience, mais vous n’avez plus qu’une seule chose à faire pour que votre existence post-Coupe du Monde ne sombre pas dans les abysses d’une existence sans sel, pire qu’une troisième mi-temps sans alcool. Vous devez de ce pas commander une SuperNES sur le bon coin ou un site du genre avec une télé à péritel ainsi que FIFA 98 : En route vers la Coupe du Monde, le seul jeu qui pourra vous sauver la vie.

GBfooTiX

jeudi 3 juillet 2014

L'histoire du foot pour ceux qui veulent se la péter (3/4)



Vous en avez marre. Okay, vous êtes le profil type du sportif de divan, bière à la main et jogging craspeck sur le cul. Mais vous en avez marre que votre femme vous fasse la gueule à chaque fois que vous voulez vous regarder un bon match, et que tout le monde autour de vous vous considère comme un gros beauf inculte. Déjà, vous n’êtes pas si gros. Et bientôt, grâce à moi, vous ne serez plus si inculte. Et il fera moins le malin, votre pote qui la ramène toujours parce qu’il aurait pu être prof d’histoire s’il avait terminé son master, quand vous lui montrerez que vous en savez plus que lui sur les origines du foot. Ah ! Comme quoi, on peut aussi se cultiver entre deux bières, pendant les arrêts de jeu…
Sheffield FC

Oui, je suis vraiment désolé, ce cours a pris un peu de retard. J’ai été pas mal occupé ces derniers jours, avec la sortie des poules, tout ça… Vous avez vu un peu ce France-Nigéria ? Pas mal, les petits Bleus, hein ? On se fout pas de vous, à FIFA PAPA, quand même ! Hop, suspense jusqu’au bout, des cages adverses qui paraissent imprenables, et nous bim ! À la toute fin du match : et un, et deux, et quarts de finale ! Ne nous remerciez pas, c’est cadeau… Vendredi, on se paye les Allemands, ensuite on s’occupe du Brésil, et je vous promets une finale France-Belgique de toute beauté.

Donc, on en était resté à 1314, le décret de Farndone interdisant les jeux de balle, dont la traduction en anglais fait apparaître pour la première fois ce terme : « foot balls ». C’est bon, vous y êtes ?

III. – Soule, Rugby et football

Les décrets et les interdits se multiplient. En ces temps de guerre, en Angleterre comme en France, on préfère voir les hommes s’adonner au tir à l’arc, un sport plus utile que les jeux de balle. On craint aussi que la soule n’éloigne le travailleur de ses outils. Et je vous rappelle qu’à l’époque, ce jeu se pratique dans les rues, qu’un village entier peut servir de limites au terrain ! Et que tous les coups sont permis, à peu près… Il en résulte une certaine pagaille, certes bon enfant, un peu comme un soir de victoire algérienne de nos jours, mais qui inquiète un peu les autorités. Pourtant, les parties continuent de se jouer avec autant de hardiesse qu’avant. Nique la police ! Un gentilhomme normand, Gilles de Gouberville, raconte quelques mémorables parties de soule dans son Journal. Sans doute est-il l’un des tous premiers commentateurs sportifs… Nous sommes le 15 janvier 1551 :

« Nous allasmes tous ensemble à Sainct Mor et fusmes le reste du jour à la choule, qui dura jusques à jour faillant, y estoit le sieur de Couriac cappitaine de Cherebourg, le sieur Mareschal, Pierre de Sainct Jehan et plus de cinq centz aultres personnes tant d’un costé que d’aultre. Cantepye heult ung sault à l’enreverse, missire Guillaume Le Lièvre, sur luy cul en gron, par la faulte de Jehan Roger de Cherebourg. Le dit Cantepye en cuyda mourir, et demeura longtemps presque evany. »

Ailleurs, il évoque une autre partie durant laquelle, la soule ayant été envoyée à la mer, les joueurs ont poursuivi le match à la nage. La pratique de la soule s’est poursuivie en France, notamment en Bretagne et en Normandie, jusqu’au XIXe siècle, avant de tomber petit à petit en désuétude. C’est au même moment que les Anglais codifient les règles de leur football. En Angleterre, le Highway Act de 1835 interdit la pratique du football sur les routes, ce qui revient à dire que la partie devra se dérouler dans un espace clos. Les écoles d’Eton, de Charterhouse, de Rugby ou de Harrow, entre autres, utilisent leurs propres terrains pour délimiter l’espace de jeu.

En octobre 1848, des représentants de l’université de Cambridge se réunissent pendant plus de sept heures pour aboutir au premier code du jeu. Deux clans s’opposent : d’un côté, les anciens élèves d’Eton ne jurent que par un jeu de ballon pratiqué au pied, le dribbling game. De l’autre, ceux de la Rugby School défendent une version plus musclée du jeu, avec utilisation des mains. De ce débat houleux, les élèves d’Eton sortiront vainqueurs, et les règles de base de notre football sont déjà clairement posées.

Mais la pratique du football en Angleterre est une activité principalement scolaire, et les règles de Cambridge ne font pas l’unanimité. Chaque établissement préfère continuer à suivre son propre règlement. Autant dire que ce n’est pas gagné, et que les rivalités entre collèges sont nombreuses.

Dix ans après les règles de Cambridge, c’est un club non scolaire qui édicte les siennes. Le Sheffield FC, créé en 1857, s’inspire très largement des règles de Cambridge pour rédiger ses Rules, Regulations & Laws of the Sheffield Foot-Ball Club. En 1860, le Sheffield FC dispute son premier match interclubs avec le Hallam FC. Les deux équipes sont composées de seize joueurs.

En 1862, John Charles Thring, l’un des fondateurs des règles de Cambridge, désormais enseignant à la Uppingham School, rédige une nouvelle version de ces règles, ajoutant notamment l’interdiction des croche-pieds et des coups. Les gars de Rugby commencent vraiment à se dire que les footballeurs pratiquent un sport de gonzesses…

Un truc que les Anglais ne connaissent pas encore, dans les années 1860, c’est la passe. Ils pratiquent le dribbling game, qui consiste à courir derrière la balle en évitant les adversaires, tandis que les coéquipiers entourent le joueur en possession de la balle pour le protéger. Les passes en avant sont interdites, les passes latérales ou en arrière sont peu fréquentes. Ce sont les Ecossais, dont le jeu est déjà nettement plus évolué que celui des Anglais, qui introduiront le passing game dans les équipes du Nord de l’Angleterre. Le Queen’s Park FC de Glasgow révolutionne déjà le jeu en développant une formation en 2-3-5 alors que les clubs anglais fonctionnaient généralement en 2-2-6. La passe se généralise en Angleterre au début des années 1880, quand les clubs se mettent à recruter des joueurs écossais.

La Fédération anglaise de football a été créée en 1863, et la professionnalisation du jeu est autorisée en 1885. Le Nord de l’Angleterre, dominé par les classes ouvrières, intègre immédiatement le football professionnel, au contraire du Sud, qui considère que les clubs de football doivent être réservés à une élite sociale. Le premier championnat de l’histoire du football, qui se déroule en 1888-1889, n’oppose que des clubs professionnels du Nord.

Ça y est, maintenant : le football tel qu’on le connaît existe. On nage en plein dedans. Il ne manque plus que les vignettes Panini et les commentaires de Thierry Rolland pour s’y croire complètement.


Raphaël Juldé

Rio à l'ombre : Thierry, affûteur de crampons


Thierry, beau gosse de 23 ans, participe à sa première Coupe du Monde et il n'en revient toujours pas. Depuis sa petite piaule au milieu d'une immonde favela il envoie des mails à tous ses amis de France. Lorsqu'à bord de ma puissante voiture de location je passe le chercher, le gamin a des étoiles dans les yeux ainsi qu'un léger oeil au beurre noir... Les soirées sont chaudes par ici, m'avoue-t-il à demi mot alors que j'indique à mon chauffeur la direction du centre-ville.

Ne souhaitant pas m'aventurer dans ces taudis non sécurisés, cette entrevue se déroule donc dans mon hôtel, plus précisément sur la terrasse du bar luxueux qui jouxte une plage célébrée dans un classique bossa-nova. Thierry boit un jus de mangue et je me délecte d'une énième caïpirinha. 

Thierry affûte des crampons. Je ne sais si l'alcool commence à produire quelque effet désinhibiteur mais la phrase "Thierry affûte des crampons", répétée plusieurs fois, en un souffle, provoque en moi une franche hilarité... Pour mon interlocuteur, il n'y a en effet aucune contrepèterie. 

Affûter les crampons est loin d'être une vocation et Thierry, contrairement aux deux personnes rencontrées précédemment, ne fait pas montre d'une ardeur débordante. Je le questionne sur ce curieux métier mais mes questions ne trouvent que trop rarement réponses. Thierry, inquiet, jette autour de lui des regards de chien apeuré. Je l'interroge alors sur son oeil poché ; il fixe le sol comme un enfant qui va prendre des coups. Ou en a déjà pris quelques-uns.

Je lui explique que mes collègues de Fifa Papa vont se foutre de moi si je reviens bredouille de cette chasse aux portraits ; d'autant que je tenais là un merveilleux sujet journalistique. J'entendais déjà les appels énamourés des rédactions de Rue 89, de Libération, de GQ... Mais il semblerait que Monsieur Thierry, son éminence des crampons moulés, soit plus préoccupé par sa petite et insignifiante personne. Après un dernier verre, je quitte la table sans payer. 

Dj Zukry

mercredi 2 juillet 2014

Rio à l'ombre : Jacques, laveur de maillots


Jacques, 27 ans, fait partie du staff des laveurs de maillots de l'équipe de France depuis 2006. Cette équipe dynamique, composée de 8 personnes, est dirigée d’un gant de velours par Nicole Bouzard, alias Nini-la-tendresse, alias Nicole-la-Folle, alias Bouzard-vous-avez-dit-Bouzard. Dans le cadre de ce reportage, nous n'avons hélas pas été autorisés à prendre langue avec cette charmante dame.

Mais revenons à notre Jacques, nostalgique, le regard noyé dans la mousse du tambour de sa machine de pointe allemande, qui se souvient de sa mère, elle aussi laveuse mais de kimonos, et dont les mains râpeuses et adorées lui caressaient les joues lorsqu'il revenait, crotté, d'un entraînement intensif avec l'équipe des poussins de son village. Jacques n’était à proprement parlé pas un bon défenseur : trop chétif, trop gentil, pas assez hargneux. La haine est un sentiment étranger à Jacques, tout tendresse, tout gentillesse.

Au collège, Jacques adorait laver ses slips ; tant et si bien qu'il lavait également ceux des autres : une vocation naissait. Pour Jacques, le slip est la quintessence du propre, l’essence de la profession, sa raison d'être en ce bas-monde. Un slip propre est une symphonie sans fausse note. Un slip immaculé est un don de Dieu. Rien de moins. Monothéisme du coton.

Jacques, à l'orée de sa vie d'adulte, hésitait ainsi entre une vie monastique et le lavage de culottes. Par chance pour l’équipe de France, il choisit la température à 30 °. 

Discuter avec Jacques de lessive est une initiation à la philosophie. La sagesse de Jacques face à une tache est celle d'un penseur bénédictin : tout d'abord, il contourne la tache, devient la tache, essaie de comprendre la naissance de cette tache. Toute tache a une genèse, toute souillure raconte une histoire. En bon lacanien, Jacques affirme qu'il s'attache à la tache. Pour Jacques, une trace sur un maillot est un chemin de vie : suivre à la trace la tache, se détacher de la trace et s'attacher à sa disparition. Effacer une tache, c'est gommer une trace de l'existence. Sans tache, pas de destinée humaine. La première tache ? Du jus de pomme sur la feuille d'Adam.

Puis Jacques s’empare brusquement d’un mystérieux savon et frotte tout en bavardant. Il frictionne jusqu’à former une croûte. Il émulsionne, reprend le maillot et le porte au ciel. Il affirme alors, malicieusement, qu’il suffit maintenant de passer un coup de chiffon légèrement mouillé sur la croûte terrestre.

Jacques, quand il parle, peut vite devenir un peu chiant.

Dj Zukry