jeudi 3 juillet 2014

Rio à l'ombre : Thierry, affûteur de crampons


Thierry, beau gosse de 23 ans, participe à sa première Coupe du Monde et il n'en revient toujours pas. Depuis sa petite piaule au milieu d'une immonde favela il envoie des mails à tous ses amis de France. Lorsqu'à bord de ma puissante voiture de location je passe le chercher, le gamin a des étoiles dans les yeux ainsi qu'un léger oeil au beurre noir... Les soirées sont chaudes par ici, m'avoue-t-il à demi mot alors que j'indique à mon chauffeur la direction du centre-ville.

Ne souhaitant pas m'aventurer dans ces taudis non sécurisés, cette entrevue se déroule donc dans mon hôtel, plus précisément sur la terrasse du bar luxueux qui jouxte une plage célébrée dans un classique bossa-nova. Thierry boit un jus de mangue et je me délecte d'une énième caïpirinha. 

Thierry affûte des crampons. Je ne sais si l'alcool commence à produire quelque effet désinhibiteur mais la phrase "Thierry affûte des crampons", répétée plusieurs fois, en un souffle, provoque en moi une franche hilarité... Pour mon interlocuteur, il n'y a en effet aucune contrepèterie. 

Affûter les crampons est loin d'être une vocation et Thierry, contrairement aux deux personnes rencontrées précédemment, ne fait pas montre d'une ardeur débordante. Je le questionne sur ce curieux métier mais mes questions ne trouvent que trop rarement réponses. Thierry, inquiet, jette autour de lui des regards de chien apeuré. Je l'interroge alors sur son oeil poché ; il fixe le sol comme un enfant qui va prendre des coups. Ou en a déjà pris quelques-uns.

Je lui explique que mes collègues de Fifa Papa vont se foutre de moi si je reviens bredouille de cette chasse aux portraits ; d'autant que je tenais là un merveilleux sujet journalistique. J'entendais déjà les appels énamourés des rédactions de Rue 89, de Libération, de GQ... Mais il semblerait que Monsieur Thierry, son éminence des crampons moulés, soit plus préoccupé par sa petite et insignifiante personne. Après un dernier verre, je quitte la table sans payer. 

Dj Zukry

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