dimanche 13 juillet 2014

Rio à l'ombre : Mikkel, commentateur sportif

      

Dans le milieu du football, je viens d'en faire la terrible expérience, c’est la course à celui qui trouvera le sujet le plus original. D’ailleurs vous avez  clairement remarqué que peu d'observateurs s’intéressent au jeu, à la tactique, aux gestes, à la stratégie, aux mouvements des joueurs sur le terrain… Non, ce que tout le monde quête, c’est la perle rare, l’anecdote qui croustille, le scandale, le clash, le buzz, et, dans ce domaine-là, on peut dire que je me démerde. 

Car je viens de dénicher un type pas possible, qui ressemble à rien, enfin si, justement… Depuis le début de cette Coupe du monde, je l’avais bien repéré dans les stades, avec son côté ours polaire, ses chaussures en peau de rennes et ses vestes fantaisie. Mikkel, car c’est de lui dont il s’agit, vient du pays du Père Noël (si des enfants lisent cette chronique, il va de soi que le vieux barbu existe et que c’est lui, et non vos parents, qui vous achètent ces merveilleuses tablettes numériques avant le 25 décembre).

La vie de Mikkel est admirable, ce qui m’oblige à travailler mon portrait (d'autant qu'il s'agit de mon dernier Rio à l'ombre), à le peaufiner, à le sublimer (je vais devoir user d’une certaine forme de lyrisme : avalanche de superlatifs, overdose de paraboles...). Fils de chasseur, petit-fils de chasseur, et souvent chasseur lui-même, mon ami Mikkel est né sur le territoire lapon. Vivant dans une hutte de tourbe, enfant, en compagnie de ses parents et de sa soeur, il migrait, coeur léger mais bagages lourds, d’une région l’autre, toujours en quête de rennes à abattre. Adolescent, il s’évadait par la littérature et dans sa tête cohabitaient des êtres étranges : monstres sanguins, fées cochonnes, animaux terrifiants, goules érotomanes, insectes massacreurs... Quelle imagination fertile chez ce Mikkel !

Notre ami lapon (il préfère que l'on dise "sami" car il souhaite que mes mots soient précis, finement choisis. Il me le fait comprendre dans son dialecte  à lui et je peux vous dire que c’est fichtrement efficace car la gestuelle est souvent à la hauteur du guttural des phonèmes)… Mikkel, au gré de la conversation, affirme que la nature a une âme et que l'hiver il chante avec des boules de neige au fond de la gorge. C'est tellement lui, tout cela !

Trinquant avec nos bouteilles de vodka achetées dans une minable supérette de Rio, Mikkel me raconte comment, par hasard, alors qu’il visite une boutique de fringues en Finlande (sic), il tombe nez à nez avec l’un des commentateurs locaux les plus fameux. Mikkel l’aborde, ne sachant pas exactement qui est ce type qu’il a aperçu dans de vieux journaux aux odeurs de poissons. D’instinct le courant passe (il faut dire que Mikkel est absolument magnétique et que ses yeux vous transpercent jusqu’au malaise ou la pâmoison). Ainsi, le présentateur-vedette de TV7 l’invite à poursuivre cette discussion dans les locaux de cette chaîne publique.

On estime qu’il y aurait 70 000 Samis répartis en Russie, Finlande, Norvège et Suède. Autrement dit, 70 000 téléspectateurs potentiels (car, ne nous voilons pas la face, mettons à mal notre idéalisme écologique, nos amis Samis s’équipent également d'écrans larges pour passer tranquillement, en famille, leurs longues nuits d’hiver et leurs courtes journées d’été). Or, sur TV7 comme sur France Télévisions, on ne crache jamais sur des téléspectateurs, même s’il s’agit d’une population plutôt traditionnaliste. 

Et c’est ainsi, au terme d'un parcours qu'il serait trop fastidieux d'évoquer ici mais que Mikkel dévoilera probablement dans une autobiographie, qu'il est devenu le premier commentateur sportif « lapon ». 

Trèves de causerie, vidons cette bouteille et préparons-nous pour ce Allemagne-Argentine qui, espérons-le, sera moins pénible que celui de 1990 (que Mikkel avait d'ailleurs commenté).


Dj Zukry

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