Vous en avez marre. Okay, vous êtes le profil type du sportif de divan,
bière à la main et jogging craspeck sur le cul. Mais vous en avez marre que
votre femme vous fasse la gueule à chaque fois que vous voulez vous regarder un
bon match, et que tout le monde autour de vous vous considère comme un gros
beauf inculte. Déjà, vous n’êtes pas si gros. Et bientôt, grâce à moi, vous ne
serez plus si inculte. Et il fera moins le malin, votre pote qui la ramène
toujours parce qu’il aurait pu être prof d’histoire s’il avait terminé son
master, quand vous lui montrerez que vous en savez plus que lui sur les
origines du foot. Ah ! Comme quoi, on peut aussi se cultiver entre deux
bières, pendant les arrêts de jeu…
Ils nous font marrer, ceux qui
nous racontent que le football a été inventé par les Anglais au dix-neuvième
siècle. Maintenant, vous pouvez leur répondre avec un petit ton de mépris que
les Chinois et les Mayas savaient déjà faire plein de trucs sympas avec un
ballon plusieurs milliers d’années avant eux (et toc !). Évidemment, vous
oubliez de préciser que c’est moi qui vous l’ai appris, mais je ne vous en veux
pas, allez. Bon. On s’était arrêtés à l’Antiquité grecque et romaine. Prenez
vos crayons, on embarque pour la Gaule celtique. Non, Jean-Zlatan, je n’ai pas
dit « goal », mais « Gaule ».
II. – Des druides, des gnons et de la soule
Nous voilà donc en pleine
Bretagne. Mettez un K-Way. Si je vous parle des druides, vous avez tout de
suite en tête Panoramix ou le Merlin de Kaamelott.
Des types rigolos avec des barbes jusqu’aux arpions. Je pourrais vous dire que
les druides n’étaient absolument pas des rigolos, qu’ils étaient les gardiens
du Savoir, des personnages sacrés, très instruits, premiers intermédiaires
entre les dieux et les hommes. Oui, c’est vrai, mais ça ne les empêchait pas de
jouer au ballon. Et de le faire, en plus, dans des cérémonies religieuses. « La
multiplication des pénos », très drôle, François-Karim ! Sauf que je
ne sais pas si le penalty existait déjà à l’époque. Le jeu pratiqué par nos
amis les druides s’appelait le seault,
ce qui en celtique veut dire « soleil ». On peut donc supposer que la
balle qu’ils se disputaient représentait le soleil. On n’en sait pas beaucoup
plus, personne n’ayant jugé bon, semble-t-il, de graver les règles du jeu sur
un bout de tablette. Un manque de professionnalisme que Michel Platini aurait
certainement réprouvé.
Les années passent, l’Empire
romain se prend un carton rouge, l’Antiquité se fait pousser des châteaux forts
et se transforme en Moyen Âge. Le seault celtique est devenu la soule, et sa
pratique s’est étendue à la Normandie, la Picardie, un peu tout le nord de la
France. La France de l’époque, qui est beaucoup plus compliquée que la nôtre,
attention ! Le découpage des régions par François Hollande, c’est rien à
côté !
Donc, nous sommes au XIIe
siècle, et on joue à la soule. Que l’on appelle aussi « choule », ou
« chole » – enfin vous voyez, c’est un beau bordel. Oui,
Zinedine-Lionel, tout à fait : « Scholl », comme les chaussures.
D’ailleurs les historiens s’arrachent les cheveux pour savoir si le mot
« soule » est dérivé de « seault », ou s’il veut dire
« sandales ».
La soule se joue lors des fêtes
religieuses et durant la période de carnaval. Deux équipes s’affrontent avec
une boule de bois ou une vessie remplie de son, et elles ont pour terrain de
jeu les limites d’un quartier, d’une paroisse, voire d’un village, le but du
jeu étant d’envoyer la balle se noyer dans une mare. Tous les hommes valides du
village étaient conviés à y participer, et les échanges étaient franchement
virils. Non, mais vraiment. Le coup de boule de Zizou, c’est une pichenette, en
comparaison.
Le jeu a perduré à travers les
années, malgré de nombreuses interdictions, et on peut encore assister en
Normandie à des compétitions de choule et de choule crosse (la même chose, mais avec une
crosse) – sur un terrain limité et avec un marquage au sol en guise de mare. Et
des règles plus strictes, même si on peut encore s’empoigner gaillardement et
se marronner un peu la gueule en bons camarades.
En Irlande et en Cornouailles,
toujours au Moyen Âge, on pratique un jeu de balle qui ressemble fort à la soule
du Nord de la France, que l’on appelle hurling
et qui peut se jouer aux poings, aux pieds ou à l’aide d’une batte. En Italie,
le calcio, dérivé de l’harpastum,
ressemble aussi beaucoup à la soule par son aspect de grand n’importe quoi et
de bagarre organisée. Ancêtres du football tout autant que du rugby, ces sports
laissaient souvent pas mal de blessés au sol. Mais comme disaient souvent les
joueurs, après la partie : « L’effenfiel, f’est de partifiper. »
En 1314, le maire de Londres,
Nicholas de Farndone édite un décret, rédigé en français, au nom du roi Edward
II, visant à interdire les jeux de balle, sous peine d’emprisonnement. L’édit
commence ainsi : « En raison des grands désordres causés dans la cité
par des rageries, de grosses pelotes de pee… » Cette partie de la phrase, traduite en anglais,
devient : « Forasmuch as there
is great noise in the city caused by hustling over large foot balls… »
Le mot est lâché.
Raphaël Juldé
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire