Prise dans sa pure dimension de
spectacle à audience planétaire, notre demi-finale Argentine-Pays-Bas a quand
même une foutue pression. L’enjeu : ne pas sembler foncièrement risible à
côté des Jeux du cirque de la veille, cette exhibition quasi-pornographique, ce
combo « german gang-bang bukkake on young brazillians » qui fit rouler les yeux comme des
ballons et nous balança entre malaise trouble et pulsions scopiques, au point d’équilibre
ultime entre la gêne et le plaisir. Ne pas être réduite à vivre continuellement
dans l’ombre dévorante du match précédent, inscrite dès la mi-temps sur les
tablettes des livres d’histoires, des rapports statistiques, mais aussi des
journaux intimes, car on s’en souviendrait encore dans 20 ans comme d’une sorte
de 11 Septembre du foot, qui dépassa en direct le seuil critique d’incrédulité du
spectateur pour taper une incruste définitive dans les emplois du temps et les
mémoires individuelles. Du genre « han
ouais, Brésil-Allemagne, je me souviens encore que j’avais vu le match avec
Michel et que j’avais mangé une pizza aux anchois».
Arjen Robben a bénéficié d'un entraînement spécifique pour obtenir plus de pénaltys. |
Donc, pendant qu’un Panzer marchait
sur l’eau et qu’un Christ rédempteur buvait la tasse à sept reprises, finissant
par agoniser la bave aux lèvres dans une dernière prière, notre demi-finale
Argentine-Pays-Bas, elle, se rongeait les ongles, un peu plus cernée par l’angoisse
à chaque percée teutonne de la Ligne Maginhõ. Que faudrait-il donc faire le lendemain pour tirer le
peu de couverture restante à soi, braquer le dernier projecteur dispo sur sa
gueule et tenter d’annuler l’impact d’une exécution en Mondovision ? Faire
oublier l’image déchirante de ces niños
en pleurs dès la 25ème minute, découvrant enfin l’imposture auriverde ? Eclipser le record de buts
de Klose, volé sans vergogne à Ronaldo dans son propre pays, sous ses propres
yeux bouffis ? Et comment finalement exister en tant que telle, « moi,
demi-finale Argentine-Pays-Bas, 62ème match de la Coupe du monde
2014 » ?
Même marquer encore plus de buts, avec
un petit score de pongistes à la fin,
genre 11-8, il n’était pas certain que ça
fonctionne si on voulait faire péter à son tour le tout frais record de tweets
lors d’un événement sportif. Vous savez, ce grand concours mondial de la petite
blague, qui réveille sauvagement le chansonnier raté en chacun de nous, prêt dès
lors à vendre sa mère pour un bon mot, à filer la métaphore de l’impérialisme
allemand et à faire l’amour toute la nuit au point Godwin. Alors, bon dieu, que faire pour
exister ce soir ? Que Nigel De Jong empale Messi sur un poteau de corner et ne
récolte qu’un avertissement ? Que Van Persie joue avec un jet pack dans le dos
pour marquer d’une papinade à 6 mètres de haut ? Que Robben obtienne un
pénalty après chacun de ses 17 gadins en toc dans la surface ? Ou que
Louis Van Gall fasse rentrer le kiné de l’équipe batave pour la séance des tirs
au buts ? Non, aucun de ces scénarii ne fut retenu par la FIFA, il est
prévu ce soir tout autre chose, qu’on ne saurait révéler sous peine de vous
gâcher la partie. Mais il est fort à parier, que dans 20 ans, vous vous
souviendrez que ce soir vous aviez mangé des Knacki avec Stéphane et José.
En cas de tirs aux buts, le sélectionneur argentin tenterait un coup de poker : la rentrée de Croketta sur le terrain. |
YLB
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