Vous en avez marre.
Okay, vous êtes le profil type du sportif de divan, bière à la main et jogging
craspeck sur le cul. Mais vous en avez marre que votre femme vous fasse la
gueule à chaque fois que vous voulez vous regarder un bon match, et que tout le
monde autour de vous vous considère comme un gros beauf inculte. Déjà, vous
n’êtes pas si gros. Et bientôt, grâce à moi, vous ne serez plus si inculte. Et
il fera moins le malin, votre pote qui la ramène toujours parce qu’il aurait pu
être prof d’histoire s’il avait terminé son master, quand vous lui montrerez
que vous en savez plus que lui sur les origines du foot. Ah ! Comme quoi,
on peut aussi se cultiver entre deux bières, pendant les arrêts de jeu…
Ça y est, on est arrivé au moment où l’Angleterre s’est
enfin décidée à écrire les règles du football. Ça n’empêche pas les étudiants
de Rugby de continuer à pratiquer ce sport à leur façon, avec les mains et en
se bousculant comme des sales gosses. Il y a deux écoles, comme on dit. Il y en
a même tout un tas, mais enfin, les règles de Cambridge de 1848, révisée par le
Sheffield FC en 1858, commencent à s’imposer. Là-dessus, les Écossais ont
appris aux Anglais à faire des passes, ce qui peut s’avérer utile, tout compte
fait. Et le foot commence à vraiment ressembler à du foot.
IV. – D’abord
l’Angleterre, ensuite le monde
Après qu’Ebenezer Cobb Morley a fondé la Football
Association en 1863, toute la Grande-Bretagne décide d’en faire autant.
L’Écosse ouvre sa propre fédération en 1873, le Pays de Galles en 1876 et
l’Irlande en 1880. Les championnats entre les clubs du Nord de l’Angleterre
laissent place aux rencontres internationales, et avec leur technique
révolutionnaire (le passing plutôt
que le dribbling, c’est bête mais il
fallait y penser), les Écossais dominent nettement leurs voisins. En 1882, les
quatre fédérations britanniques créent l’International Football Association
Board afin de définir des règles de jeu communes à tous les pays. Quitte à se
faire un match, autant tous pratiquer le même sport…
L’Angleterre est donc le premier foyer de la
contamination, le « patient zéro », mais l’épidémie s’étend
rapidement à travers l’Europe et l’Amérique. Vous avez déjà vu des films de
zombie, vous savez comment ça se passe. Dans le football, pas besoin de se
mordre (et ne comptez pas sur moi pour faire une blague sur Luis Suarez, il est
temps de passer à autre chose), c’est par la classe ouvrière que le virus se
transmet. Les ouvriers britanniques envoyés sur des chantiers à l’étranger font
partager leur passion à leurs collègues, et voilà comment dès les années 1870,
l’Argentine ou l’Uruguay se mettent à courir en masse derrière un ballon. Pour
les pays du Nord de l’Europe, Danemark, Pays-Bas, Belgique, France, c’est
plutôt dans les universités ou par le biais des voyages que le football
s’importe le mieux. Aux Jeux Olympiques de Paris en 1900, trois équipes de
football sont inscrites. Et c’est encore à Paris, quatre ans plus tard, qu’est
créée une fédération internationale : la FIFA, papa.
Le football, « sport des Anglais », est d’abord
mal accueilli en Allemagne, même si Hambourg
se dote d’un club dès 1887. D’ailleurs les Boches finiront par s’y
mettre carrément, eux aussi, et par se montrer redoutables sur un terrain. Ce
ne sont pas les Brésiliens qui vous diront le contraire. En Angleterre, les
compétitions de la FA Cup et de la League (clubs professionnels du Nord) se
poursuivent tandis que le football commence petit à petit à se faire connaître
un peu partout dans le monde.
V. – Des obus, des
balles et des ballons
En août 1914, la guerre éclate au moment même où s’ouvre
la saison de football en Angleterre. Pas de bol. Pour le moral des troupes, les
autorités sportives décident de poursuivre le championnat. Mais il y a un hic :
difficile d’admettre que les footballeurs professionnels persistent à
s’entraîner sur le terrain de sport alors que tous les hommes valides du pays
se font tacler à coups de schrapnel sur le champ de bataille ! Le Frankfurter Zeitung se moque des
Tommies : « Les jeunes
Britanniques préfèrent exercer leurs longs membres sur un terrain de football
plutôt que de les exposer au moindre risque au service de leur pays. »
À la fin de la saison 1914-1915, la FA Cup et la League décident donc de
suspendre la compétition jusqu’à nouvel ordre.
Pour encourager le volontariat, l’armée britannique incite
les recrues qui se connaissent à s’engager ensemble dans la même unité :
ce qu’on appellera les Pals Battalions
(bataillons de copains). On retrouve ainsi dans certains régiments des orchestres
entiers, des équipes de football ou de cricket. C’est le cas du football club
de Clapton Orient, qui rejoint le 17th Battalion, dit « bataillon des
footballeurs ». Le 1er juillet 1916, premier jour de la
bataille de la Somme, le capitaine Billie Nevill, de la B Company du 8th Surrey
Regiment, distribue quatre ballons à ses hommes en leur demandant de les tirer
le plus loin possible en direction des tranchées allemandes au moment de
l’assaut. On s’amuse comme on peut. Après la boucherie, deux ballons seront
retrouvés dans les lignes ennemies. Pas mal pour une première Coupe du Monde…
Cette journée est la plus meurtrière de l’histoire de la Grande-Bretagne, mais
ils ont quand même marqué deux buts ! Et surtout, les Français qui pour la
plupart, ouvriers ou paysans, ignoraient encore ce sport, vont se mettre eux
aussi à le pratiquer entre deux batailles, dans les tranchées. Ce qui amènera,
en avril 1919, la fondation de la Fédération française de football. Et l’année
d’après, celle de la Coupe de France, créée en l’honneur du sportif Charles
Simon, soldat du 205e R.I. mort au combat près de
Neuville-Saint-Vaast.
Clapton Orient FC, 17th Battalion |
Après la guerre, retour aux choses sérieuses. C’est en
France, cette fois, qu’on prend l’affaire en mains. En 1921, Jules Rimet prend
la présidence de la FIFA, et voilà qu’il lui vient l’idée d’organiser un grand
tournoi international. De football, évidemment, pas de danse classique. Le
tournoi olympique, c’est déjà pas mal, mais ça ne concerne que le football
amateur. Rimet voit les choses en grand, il s’imagine même que le foot a le
pouvoir de pacifier les peuples, et c’est en 1930 qu’a lieu la toute première
Coupe du Monde.
Comme l’Europe de l’après-guerre se voit mal organiser une
compétition d’une telle ampleur (alors qu’elle n’a aucune difficulté à
organiser un conflit mondial de quatre ans, c’est marrant), c’est finalement en
Uruguay, autant dire à Pétaouchnock, que le championnat aura lieu. Ça tombe
bien : l’Uruguay fête justement le centenaire de son indépendance cette
année là. Treize équipes sont en compétition, et le premier but de l’Histoire en Coupe du Monde, est marqué par le Français Lucien Laurent, contre le Chili.
Cocorico, hein, entre nous… Et pour ce qui est de la finale, l’Uruguay a battu
l’Argentine 4-2. Après ça, ma foi, je vais pas vous refaire tout l’historique
de la Coupe du Monde : vous trouverez ça n’importe où.
Bon, eh bien voilà, en gros. Dans les grandes lignes,
hein. Maintenant, cette Coupe du Monde là va se terminer aussi (par une victoire écrasante de l'Allemagne sur l'Argentine), et on devrait
être à peu près tranquilles pendant quatre ans. Je vous remercie de votre
attention.
Raphaël Juldé
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