Droit au but !
Voilà une semaine que la Coupe du Monde bat son vide. Le
temps est venu pour nous de nous asseoir à la fraîche, de prendre du recul et
de considérer d’un œil aiguisé, pour ainsi dire d’un regard d’expert, tout ce
que nous avons vu, tout ce que nous avons ressenti. Les moments d’émotion, les
joies, les pleurs…
Ça risque d’être un peu pénible, je vous préviens tout de
suite.
Déjà, ce que nous pouvons dire, c’est qu’en 2014, pour
regarder le Mondial, il n’est plus nécessaire d’avoir la télé. Il est tout à
fait possible de se contenter d’une bonne connexion Internet et de profiter des
retransmissions sur le live de TF1, ou celui de BeIN Sports si vous avez fait
l’effort de payer un abonnement. Dans le cas contraire, il existe tout un tas
de liens pour profiter des matchs en streaming. On n’arrête pas le progrès.
En fait, dans la pratique, c’est le progrès qui s’arrête
tout seul, à peu près toutes les trente secondes, sur une image fixe. Et
pendant ce temps-là, les joueurs marquent des buts comme des morts de faim, et
vous êtes resté sur la même image fixe d’un supporter à peintures et perruque
de guerre en train de hurler. Et vous hurlez avec lui, mais vous c’est plutôt
pour insulter ce streaming de merde qui n’arrête pas de planter. Ça découragerait
le plus fervent des supporters, et comme je ne suis pas le plus fervent des
supporters, vous imaginez ma détresse…
Mais je suis consciencieux. Les obstacles ne me font pas
peur. Je suis persévérant. Je ne me laisse pas intimider (et je pourrais
continuer comme ça un moment avec plein d’autres phrases signifiant toutes la
même chose, mais vous ne seriez pas plus convaincus, alors j’arrête). Au début,
en tout cas, j’ai fait des efforts. Brésil-Croatie. Mexique-Cameroun.
Espagne-Pays-Bas. Angleterre-Italie. France-Honduras : j’ai tout regardé.
J’étais, comme on dit, au taquet. Après, bon, j’avoue que j’ai un peu perdu
patience. Et puis j’ai dû faire une indigestion de pelouse verte. Je crois que
si par malheur j’avais eu un jardin, je l’aurais coulé sous le béton.
Bon, mais assez avec mes petits problèmes. Vous voulez du
concret, de l’analyse pointue, avec de la dérision, un ton
« décalé », esprit Canal historique – du FIFA PAPA, quoi !
Eh bien, figurez-vous qu’il m’est arrivé deux ou trois
fois de ne pas m’ennuyer. Je vous assure : j’étais devant mon écran
d’ordinateur, comme ça, et je suivais l’évolution des joueurs sur le terrain,
et soudain, je me surprenais moi-même : « Mais… Ça fait bien deux
minutes que je ne me suis pas emmerdé, moi ! Il va falloir que je me
surveille : je suis à deux doigts de prendre un abonnement au Stade
lavallois pour la saison prochaine, là ! »
Déjà, j’ai apprécié que le premier but de cette Coupe du
Monde soit celui d’un joueur brésilien… contre son camp. Ça m’a donné
l’impression, l’espace d’une seconde, que moi aussi, j’aurais pu être un grand
joueur. Le Brésil, jusqu’à présent, montre une belle désinvolture, une sorte de
détachement qui lui vient peut-être de la bossa nova, allez savoir… Il faudrait
que je demande à DJ Zukry, c’est lui le spécialiste de la bossa. En tout cas,
on sent que les joueurs brésiliens se sont dit : « On joue à
domicile, on est le pays du foutchebaole, inutile de nous fatiguer : la
Coupe du Monde, c’est dans la poche ! Une formalité. » Et comme il
semble que les arbitres aussi sont dans leur poche, ils n’ont peut-être pas
tort. Du coup, on est quand même bien contents de voir la Croatie et le Mexique
leur donner une petite leçon de foot.
Ah ! Vous avez vu, j’ai pas peur de dénoncer,
hein !
Batave en lévitation
Comme beaucoup de monde, je crois, c’est le match opposant
les Pays-Bas à l’Espagne qui, jusqu’à présent, m’a le plus amusé. C’est là,
justement, que je me suis surpris à ressentir un peu d’admiration. Je n’étais
même pas loin de comprendre qu’on puisse rester assis devant un match pendant
quatre-vingt-dix minutes pour voir de telles prouesses physiques, des Bataves
se jouant des lois de la gravité pour planter des buts aussi parfaits – oui,
des Hollandais volants. Et puis c’est toujours un peu rigolo de voir les
vainqueurs de la fois d’avant se prendre une dérouillée magistrale. Une fessée
cul nu devant tout le monde eût sans doute été moins humiliante…
Et puis il y a eu la France, qui ne m’a pas laissé un
souvenir impérissable. Ça a donné quoi, au fait, cette histoire de ballon
accepté, refusé, accepté grâce à la technologie, refusé à cause du ralenti,
accepté ?… Il faudrait que j’ouvre un journal récent à la page des sports
pour me renseigner, parce que si ça continue, on va me prendre pour un amateur…
En tout cas, c’est un véritable petit bijou, cette Goal Line Technology – qui,
contrairement à ce qu’on pourrait penser, ne sert pas à mesurer les érections
matinales. On nous a fait toute une démonstration magnifique sur cet outil
extraordinaire… mais on en est toujours à se poser la même question :
« Y’a but ou y’a pas but ? » Il paraît d’ailleurs que cet outil
existe déjà depuis belle lurette au tennis – sauf que là, ça marche. Peut-être
qu’en faisant des dessins avec la bombe de chantilly utilisée pour les coups
francs, on obtiendrait plus de résultats ?
Voilà à peu près tout ce que je peux dire sur cette
première semaine footballistique. Après le match France-Honduras, je l’avoue,
j’ai un peu décroché. J’ai été très occupé cette semaine, vous savez ce que
c’est, le travail, tout ça… Mais je vous promets que je vais me ressaisir. Comme
disait je sais plus qui : « On lâche rien ! » Je vous tiens
au courant.
Un technologue au service du but parfait
Raphaël Juldé – commentateur
avisé
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